ATT : Le soldat de la démocratie
Amadou Toumani Touré, que tous les Maliens surnommaient par ses trois initiales, « ATT », est décédé, mardi 10 novembre, en Turquie, où il venait d’être évacué, quelques jours après avoir été opéré du cœur, avec succès à Bamako, à « son » hôpital Mère-Enfant Le Luxembourg. L’ancien président était âgé de 72 ans. Amadou Toumani Touré a marqué de son empreinte la vie politique du Mali et de l’Afrique. Stratégie du consensus, développement des infrastructures du pays, multipartisme, ouverture démocratique… Retour sur le parcours exceptionnel d’un vrai homme d’Etat.
Amadou Toumani Touré est né le 4 novembre 1948 à (Mopti) où il fréquente l’école fondamentale. Entre 1966 et 1969, il est inscrit à l’école normale secondaire de Badalabougou à Bamako pour devenir instituteur.
Finalement, il intègre l’armée en entrant à l’école militaire interarmes de Kati. Au sein du corps des parachutistes, il grimpe rapidement les échelons. Après plusieurs stages en URSS et en France, il devient commandant des commandos parachutistes en 1984.
En mars 1991, après les manifestations populaires réprimées dans le sang, il participe au coup d’État contre le président Moussa Traoré (décédé le mardi 15 septembre dernier), prendra la présidence du Comité de Réconciliation nationale puis du Comité de transition pour le Salut du peuple (CTSP) et assurera les fonctions de chef d’État pendant la transition démocratique.
Le CTSP sous sa houlette avait pour mission de préparer les conditions du passage à une vie constitutionnelle démocratique et pluraliste. Le travail s’est d’abord focalisé sur l’organisation d’une Conférence nationale, une Assemblée souveraine convoquée conformément à l’Acte fondamental du 31 mars par le CTSP en vue d’examiner l’état de la Nation, d’élaborer un projet de Constitution et d’adopter un code électoral et une charte des partis. Un oui massif remporte le référendum constitutionnel le 12 janvier 1992.
La nouvelle Constitution est promulguée par le décret n° 92-073/P-CTSP du 25 février 1992. Cette Constitution est l’institution cardinale de la IIIè République qui s’est inscrite résolument dans une dynamique, celle de la démocratie et du multipartisme. Une part importante est aussi réservée aux droits de l’Homme. En effet, les vingt-quatre premiers articles de la Constitution sont consacrés aux «droits et devoirs de la personne humaine» et aux libertés (liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion, d’expression et de création).
Ensuite, Il organise les élections législatives et présidentielles en 1992. À l’issue de ces élections, il remet le pouvoir au nouveau président élu Alpha Oumar Konaré. On le surnomme alors le « soldat de la démocratie ».
Convaincu qu’il peut être utile, même sans être Président, le Général Amadou Toumani Touré se consacre donc à la réalisation d’actions sociales en faveur des plus démunis entre autres :
En septembre 1992, il accepte, sur la demande du président Jimmy Carter, le parrainage du Programme d’Eradication de la Dracunculose au Mali, qui devient protocole d’accord relatif à l’éradication du ver de Guinée et à la lutte contre la cécité entre le Gouvernement de la République du mali et Global 2000 INC.
Ensuite, il fonde et dirige la Fondation pour l’enfance. En juin 2001, il est l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, en République centrafricaine, après un coup d’État manqué contre Ange-Félix Patassé.
Le 1er septembre 2001, il demande et obtient sa mise en retraite anticipée de l’armée. Il décide de se lancer dans la vie politique en posant sa candidature pour l’élection présidentielle. Il est élu président du Mali lors de l’élection présidentielle en mai 2002, avec 64,35 % des voix au second tour. Son adversaire Soumaïla Cissé, ancien ministre, obtient 35,65 % des voix.
Sa présidence est assez atypique, il n’appartient à aucun parti politique et son gouvernement regroupe tous les partis du pays. Lors de son élection en 2002, il nomme Ahmed Mohamed ag Hamani comme Premier ministre. Celui-ci démissionne le 28 avril 2004 et est remplacé par Ousmane Issoufi Maïga.
Candidat à l’élection présidentielle de 2007
Amadou Toumani Touré annonce sa candidature à l’élection présidentielle de 2007 lors d’un déplacement à Nioro du Sahel le 27 mars 2007.
Soutenu par de nombreux partis politiques, dont quatorze sont rassemblés à l’initiative de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adéma/Pasj) et de l’Union pour la république et la démocratie (URD), au sein de l’Alliance pour la démocratie et le progrès (ADP), mais également par le Mouvement citoyen et plusieurs associations, le président sortant a axé sa campagne sur son bilan, sur son modèle de gouvernance basé sur le consensus et sur un « programme pour le développement économique et social (PDES)» autour de neuf priorités : le renouveau de l’action publique en matière de démocratie et de gouvernance ; une plus forte croissance économique avec à la clef un taux de croissance d’au moins 7 % l’an ; le développement du secteur privé ; celui des ressources humaines ; l’emploi des jeunes ; une plus grande implication des femmes dans le développement ; le soutien aux initiatives culturelles et au sport ; la participation des Maliens de l’extérieur au développement du pays et l’institution d’une diplomatie plus agressive.
Son slogan de campagne est « Le Mali qui nous unit ». Ses partisans souhaitant sa victoire au premier tour ont diffusé le slogan Takokélen qui, en bambara, signifie littéralement « prise unique ».
Amadou Toumani Touré est réélu président le 29 avril 2007 dès le premier tour. Il a obtenu 71,20 % des votes, tandis que son principal concurrent, Ibrahim Boubacar Keïta, ne recueille que 19,15 % des voix.
Le nom d’Amadou Toumani Touré restera associe à un modelé unique de gestion du pouvoir à travers le consensus. Cette politique consistait à faire en sorte que les Maliens puissent se retrouver autour de l’essentiel. Son slogan, quand même, c’était « Le Mali qui nous unit ». Pour lui, le Mali avait besoin de tous ses fils, au-delà de leur appartenance partisane, au-delà de leur appartenance ethnique… Pour lui, c’était le seul moyen pour que le Mali puisse prendre enfin le chemin du développement.
ATT en visionnaire…
ATT s’est aussi signalé durant ses mandants à une recherche permanente de la paix et de la cohésion sociale dans tout le pays. Il a démontré durant tout son parcours un engagement pour la résolution des conflits par la concertation et le dialogue.
Sur la crise du Nord, il a été un visionnaire. Durant son mandat, la position d’ATT n’a jamais varié au sujet de la situation sécuritaire au nord du Mali ou celle qui prévaut dans la bande sahélo-saharienne en proie aux activités terroristes de la branche Al-Qaïda pour le Maghreb Islamique (AQMI). Et la conviction du président Touré était : c’est une menace transfrontalière qui nécessite que tous les pays de la bande sahélo-saharienne conjuguent leurs efforts… Cette réflexion de bon sens va aboutir, avec 11 ans de retard, à la création du G5-Sahel !
Amadou Toumani Touré, en visionnaire, déclarait en 2006 : « si la paix est le socle de la stabilité sociale, la sécurité est celui du développement économique et social. Depuis de longues années, nos insuffisances en matière de développement et de gouvernance ont été exploitées par des sources opportunistes et nuisibles. Profitant de la faiblesse de nos capacités d’investissement et de la précarité de nos économies locales fragilisées par la sécheresse dont nous sortons à peine, elles ont tenté de nous déstabiliser, pour déstructurer notre société, pour nous imposer de nouvelles valeurs qui n’ont jamais été les nôtres »…
Le président ATT durant tout le long de ses mandats aura été aussi le chantre de la bonne gouvernance. Et pour promouvoir cette bonne gouvernance et renforcer la lutte contre la corruption et la délinquance financière, le président ATT nomme le 1er avril 2004 Sidi Sosso Diarra comme Vérificateur général. L’institution produit son rapport chaque année et fait la fierté du Mali aujourd’hui, avec des milliards de FCFA retournés dans les caisses de l’Etat.
Mémé Sanogo
Source: L’Aube