Art : Parcours des mondes, une promenade à travers les « arts lointains » et l’histoire coloniale
Le salon des arts « premiers » et « primitifs » réunit à Saint-Germain-des-Prés, à Paris des œuvres de 64 marchands, parmi lesquelles beaucoup rappellent l’histoire de la colonisation.
Habitude automnale : chaque mois de septembre, depuis dix-huit ans, Saint-Germain-des-Prés déploie le Parcours des mondes. La manifestation parisienne se définit désormais comme le Salon international art tribal, art asiatique et archéologie. L’Afrique et l’Océanie l’emportent de très loin. Des 64 marchands présents, dont la moitié français, il n’y en a que huit pour l’Asie et cinq pour l’archéologie, principalement égyptienne.
Les rites ont été respectés. Comme toujours, les collectionneurs les plus acharnés sont venus la veille de l’ouverture pour accéder avant les autres aux œuvres les plus désirables. L’étroite rue Visconti a été obstruée par des escouades d’amateurs de toutes nationalités et langues. Des Africains affables ont pris position sur les trottoirs, avec leur formule célèbre : « L’art africain, ça vous intéresse ? » Il est prudent de se défier des offres commerciales merveilleuses qui suivent cette question rhétorique.
Et, comme toujours, alternent au fil du parcours pièces moyennes, les plus nombreuses, et les rares de grande qualité. Parmi celles-ci, la statuette dogon (Mali), qui pourrait être un Giacometti, que montre Bernard Dulon, et, chez lui aussi, un masque tchwoké (Congo) d’une admirable sérénité. Charles-Wesley Hourdé présente une figure de reliquaire fang (Gabon) puissamment suggestive et Jean-Edouard Carlier un masque venu de la baie de l’Astrolabe (Nouvelle-Guinée) si surprenant dans ses stylisations que le mot chef-d’œuvre est ici justifié. Il l’est pour la femme à la coupe yoruba (Nigeria), qui trône au centre de la galerie du Bruxellois Serge Schoffel. Autres haltes conseillées : chez Michael Hamson, spécialiste de l’Océanie, et chez Abla et Alain Lecomte, spécialistes de l’Afrique de l’Ouest.
Une abondance suspecte
Mais il est aussi des cas où l’abondance des objets et le côté un peu standardisé de certains rappellent l’histoire de la colonisation. A en juger par la quantité de pièces de ce type, on se dit vite qu’il y a eu, de la fin du XIXe siècle jusqu’à une date récente, dans tous les villages kota (Gabon), un ou plusieurs ateliers spécialisés dans les reliquaires en feuilles de laiton ou de bronze sur âme de bois. Soupçon justifié : dès le début de la colonisation, des objets ont été produits pour être vendus aux colons. Le processus s’est amplifié avec la mode « nègre » des années 1920, particulièrement dans les possessions françaises. D’où l’abondance des pièces de style baoulé ou gouro (Côte d’Ivoire), exécutées hors de toute fonction religieuse ou sociale avec une virtuosité qui n’a rien de « premier » – adjectif absurde à la vie dure – ni de « primitif ».La suite sur lemonde.fr