APR vs DNI : Le dilemme cornélien du président Bah N’Daw
Eu égard aux différentes péripéties de l’acheminement de la transition, on devrait plutôt être appréhensif quant à la possibilité de pouvoir réaliser toutes les réformes nécessaires à la refondation de l’Etat, dans le délai imparti. Cette appréhension est d’autant légitime quand on sait qu’au nombre desdites réformes, il y en aura qui suscitent de grandes polémiques, au regard de l’importance que les forces vives de la nation y accordent.
L’Accord pour la Paix et la Réconciliation (APR) issu du processus d’Alger signé en juin 2015 en est un. Depuis plus de cinq(5) ans que cet Accord est signé, sa mise en œuvre peine à trouver ses marques et cela, plus par déficit de confiance entre les différents protagonistes plutôt que par manque réel de moyens. S’il est vrai que depuis la signature de cet Accord, sa mise en œuvre a toujours été tributaire des sautes d’humeur des signataires, il n’en demeure pas moins vrai que de nos jours, son application dépendra plutôt de l’accommodation du peuple malien qui avait soutenu ne pas s’y reconnaître, au motif qu’il n’a pas été associé aux pourparlers qui ont abouti à l’élaboration dudit Accord. Nous savons qu’au fil du temps, la polémique qu’avait suscitée la mise en œuvre de l’APR était devenue si vive que le Chef de l’Etat d’alors, IBK, avait fini par inviter tous les signataires de cet acte à unir leurs efforts afin de réussir sa mise en œuvre idoine. Ainsi, lors de son adresse à la nation à l’occasion du 59ème anniversaire de l’indépendance du Mali, le Président IBK déclarait, pour la première fois,
«…En ce jour anniversaire de notre indépendance, je tiens à réaffirmer l’attachement du gouvernement malien à cet accord, quitte à en discuter certaines dispositions, l’essentiel étant d’en conserver l’esprit… ».
Aussi comme pour mieux acter cette déclaration du Chef de l’Etat d’alors, le Dialogue National Inclusif (DNI) dont la phase finale s’est déroulée à Bamako du 14 au 22 décembre 2019 a recommandé, au titre des actions prioritaires à mener par le gouvernement, de procéder à une relecture de certaines dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation, selon les mécanismes prévus à l’article 65 dudit Accord. A l’entendement du peuple malien, conformément aux recommandations du Dialogue National Inclusif (DNI), la relecture des dispositions de l’Accord doit primer sur toute action entrant dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord. Cette prédisposition d’esprit chez les citoyens est tout simplement légitime et les autorités de la transition y ont souscrit en promettant de faire des recommandations du DNI, leur canevas de travail. On serait donc porté à dire que deux camps se dégagent à propos de l’APR.
D’un côté les contempteurs de l’Accord qui sont de loin les plus nombreux et de l’autre côté les thuriféraires dudit accord qui sont les décideurs. Mais là où le bât blesse, et qui intrigue les maliens, est qu’il a été constaté, ces temps-ci, que les autorités de la transition semblent s’inscrire dans une logique de mise en œuvre de l’Accord, sans pour autant que l’on ait procédé à la relecture d’une quelconque disposition dudit Accord, comme recommandée par le DNI. En effet, le président de la Transition malienne a récemment effectué une visite officielle en France au cours de laquelle il s’est entretenu, le 27 janvier 2021, avec le président français Emmanuel Macron. Nous savons que Macron est le plus grand thuriféraire de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger et à cet effet, il a dû convaincre son hôte sur la nécessité d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord en question.
Au nombre des signes qui augurent bien de cette volonté d’accélération de la mise en œuvre de l’APR, on retiendra essentiellement l’entrée significative des ex-rebelles dans le gouvernement de transition et aussi leur présence non négligeable au sein du Conseil National de Transition (CNT). A cela s’ajoute la visite d’une importante délégation ministérielle à Kidal, fin janvier dernier.
Et comme couronnement de toutes ces avancées, dans le processus de paix issu des pourparlers d’Alger, il est convenu de délocaliser à Kidal, la 42ème session du Comité de Suivi de l’Accord (CSA), le 11 février 2021 (aujourd’hui donc).
La question qui se pose alors est celle de savoir si le président Bah N’Daw oserait se dédire à propos de l’engagement qu’il avait pris de respecter les recommandations du DNI ?
EL HADJ MAMADOU GABA
Source: Le Soir de Bamako