Espoir, union sacrée, nouvel élan, Mali debout, Mali émergeant ; tels étaient les attentes de la Communauté musulmane du Mali à ce grand rendez-vous de retrouvaille du peuple malien pour un nouveau départ. Mais au finish, ce fut le déboire, la déception, le désenchantement, en un mot, la désillusion et le mépris de la Communauté musulmane.
Malgré les applaudissements nourris après l’évocation des points jugés essentiels par le représentant du Haut Conseil Islamique, et l’approbation unanime, aucune des préoccupations n’a été retenu dans la résolution adoptée d’une part, et pire, ce fut l’humiliation du représentant de notre Président Cherif Ousmane Haidara le jour de la clôture.
LA GRANDE DESILLUSION
Les propositions de la Communauté musulmane après lecture en plénière furent remises en copies dures aux rapporteurs suivie d’une décharge. Voici l’inventaire succinct de ces points et son argumentaire : faire référence aux valeurs sociétales traditionnelles et religieuses comme fondement et base législatifs, glorification du nom de dieu dans le préambule, clarification du principe de la laïcité, introduction du parjure dans la déclaration de prestation de serment du président de la république ; l’abrogation du moratoire sur l’application de la peine de mort au mali, adoption d’une loi criminalisant l’homosexualité, l’officialisation de nos langues en plus du français.
UNE REFERENCE AUX VALEURS SOCIETALES TRADITIONNELLES ET RELIGIEUSES COMME FONDEMENT ET BASE LEGISLATIFS.
La plus grosse erreur du législateur malien fut de plagier la constitution de la métropole après plus de 60 ans d’indépendance.
Pour une nation responsable, la connaissance de sa propre histoire joue un rôle prépondérant dans l’élaboration de sa loi fondamentale. Paradoxalement au Mali, en aucun moment, les acteurs des différentes constitutions de l’indépendance à nos jours (la Constitution du 22 septembre 1960, du 2 juin 1974 et du 25 janvier 1992) n’ont jugé nécessaire de faire un saut en arrière dans l’histoire et se rappeler de l’une des vieilles constitutions adoptée au Mali depuis 1236 : « la Charte de Kourou Kan Fouga » ou la Constitution de Mandé. Cette charte ancestrale est aujourd’hui classée sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO depuis 2009.
Cette constitution ancestrale avait compris la nécessité de prendre en compte notre culture et la dimension sociale ayant fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui.
GLORIFICATION DU NOM DE DIEU DANS LE PREAMBULE.
Nous proposons la glorification du nom de Dieu dans le préambule de notre future Constitution. Et comme parfaite illustration, le nom de Dieu est présent dans la plupart des Constitutions européennes sans pourtant porter atteinte à la laïcité et au sécularisme
Pour illustration, le préambule de la Constitution irlandaise: commence par ” Au nom de la Très Sainte Trinité… » ; et se conclut par cette invocation finale : ” À la gloire de Dieu et pour l’honneur de l’Irlande ! ». Et pourtant, la République d’Irlande, n’a ni religion d’État, ni Église d’État, ni même subventions d’État que la Constitution interdit à toute religion. Aussi la Constitution fédérale de la Suisse, fait référence à Dieu dès la première phrase : ” Au nom de Dieu Tout-Puissant ». Pourtant, la Suisse ne connaît ni religion ni Église d’État au niveau fédéral. L’Allemagne, ouvre sa Loi fondamentale de 1949 en affirmant que le peuple allemand est ” conscient de sa responsabilité devant Dieu et devant les hommes… “.
CLARIFICATION DU PRINCIPE DE LA LAICITE.
Le Concept laïcité est très mal défini, et très mal disséminé, car tout le monde l’interprète en fonction des intérêts particuliers. Il n’y’a pas une seule laïcité mais des laïcités avec des pratiques différentes.
Historiquement, la laïcité au Mali, comme dans la plupart des pays francophones d’Afrique subsaharienne, s’est construite à partir du modèle français issu de la loi du 9 décembre 1905. Dans la dynamique des liens étroits, sociopolitiques et historiques, unissant encore la France et ses anciennes colonies, le Mali, à l’instar d’autres pays francophones d’Afrique noire, a adopté le modèle français de laïcité dans tous ses compartiments : (social, économique, politique, cultuel, militaire et démocratique).
Selon ses définitions encyclopédiques, la laïcité est « un système qui exclut les Églises de l’exercice de tout pouvoir politique ou administratif et en particulier de l’organisation de l’enseignement ». C’est pourquoi, l’un des grands théoriciens de la laïcité en France : Jules Ferry définissait ce principe en ces termes : « la laïcité, c’est organiser l’état sans Dieu ».
Si aujourd’hui l’Etat français n’accepte aucune influence potentielle de la religion, cela peut se comprendre, c’est son choix selon son vécu historique, et selon les confrontations qui ont abouti à la création de sa base républicaine. L’Hexagone (la France) aujourd’hui est le seul Etat européen à avoir inscrit le principe de laïcité dans sa Constitution. C’est d’ailleurs à cause de cette exception qu’on l’a appelée « la laïcité à la française ».
Depuis un certain moment, la laïcité fait l’objet d’un grand débat en France. La laïcité version du Président français NICOLAS Sarkozy a tourné le dos à la traditionnelle conception de la laïcité dite «à la française». Ce dernier a affirmé que « la République laïque a longtemps sous-estimé l’importance de l’aspiration spirituelle». Que « toute nation qui ignore son héritage éthique, spirituel, et religieux de son histoire commet un crime contre sa culture ». Et dira enfin : « que La laïcité n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n’aurait pas dû.». Avec ces déclarations, confirme que le successeur de Jacques Chirac n’est pas loin d’un exercice de repentance en matière du principe de la laïcité.
Aujourd’hui, le débat sur la laïcité en France est encore vivace surtout avec le lancement le 20 Avril 2021 des « Etats généraux de la laïcité » par la ministre déléguée à la citoyenneté avec deux types de laïcité: laïcité positive concordataire, et laïcité républicaine de combat ou le laïcité-athée est illustratif. L’objectif de l’opération est de toucher la jeunesse et avoir un débat apaisé sur ce sujet sensible.
Aujourd’hui, avec l’émergence de l’Islam en tant que force spirituelle, et facteur politique, un défenseur d’une laïcité positive, et libérale ; le philosophe Gaspard Koenig a fait le repenti en ce terme : « On est en train d’intégrer dans la laïcité une forme de mode de vie, qu’on aimerait imposer à des cultures qui nous dérangent. ».
Si la Démocratie désigne à l’origine un régime politique dans lequel tous les citoyens participent aux décisions publiques et à la vie politique, nous affirmons solennellement que la laïcité au Mali, hérité de la métropole est antidémocratique.
INTRODUCTION DU PARJURE DANS LA DECLARATION DE PRESTATION DE SERMENT DU PRESIDENT DE LA REPULIQUE.
Par rapport à ce chapitre, nous avions deux observations majeures et une proposition. Les serments ne se font pas sur le livre saint de la conviction du nouveau Président élu d’une part. Et d’autre part, nous constations l’absence de référence contraignante comme le parjure au cas du non-respect de son serment.
Pour la prestation sur le livre saint de la croyance de l’élu, nos argumentaires avaient déjà été pris en compte lors de l’atelier sur la validation des termes de référence de ladite assise. Nous sommes surpris de constater son gommage et son retrait dans les textes actualisés. Le Benin dans son article 53 de sa Constitution a prévu une alternative avec les traditions ancestrales : « Devant Dieu, les mânes des ancêtres (aïeuls), la Nation et devant le Peuple … » en est une illustration entre autres.
Un serment sans référence contraignante surtout en cas de parjure est comparable à cette pensée de Samuel Butler: « les serments ne sont que des mots, et les mots que du vent ». C’est pourquoi, nous insistons sur le cas de parjure. Le Niger et le Benin ont inscrit dans leurs lois fondamentales « qu’en cas de parjure, que je subisse les rigueurs de la loi ».
L’ABROGATION DU MORATOIRE SUR L’APPLICATION DE LA PEINE DE MORT AU MALI.
Au terme de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la peine de mort est perçue comme illégale et proscrite par les pays signataires. Que le Talion viole les dispositions des Droits Humains. Et pourtant aux USA l’un des pays champions de la Démocratie, l’application de la peine de mort est en vigueur dans plusieurs états de la fédération. Curieusement notre pays par une ruse de Sioux applique son abolition à travers un moratoire prorogatif en permanence depuis de décennies. Quelle fourberie politicienne contre le peuple malien en la gardant dans les textes, et en la proscrivant par une autre? Et Jean de la Fontaine interpelle les politiciens abolitionnistes que « La ruse la mieux ourdie peut nuire à son inventeur et souvent la perfidie (trahison) retourne sur son auteur ».
L’opinion malienne fut plongée ce jour dans l’horreur indescriptible provoqué par l’assassinat odieux de notre collaborateur, l’infatigable imam Abdoul Aziz Yattabary à l’aube sur le chemin de la mosquée. Cet assassinat, par sa cruauté, son mode opératoire, et le statut de la victime est révélateur de la volonté de donner la mort de son auteur, mais il est aussi indicateur du degré de criminalité, la culture de l’impunité, la démission des pouvoirs publics et la dégradation morale au sein d’un pays jadis réputé pour sa convivialité et son attachement aux valeurs hospitalières, mais hélas aujourd’hui classée parmi les pays les plus criminogènes de la sous-région.
Abraham Lincoln ne disait-il pas que « on peut tromper une partie du peuple tout le temps, et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps ».
ADOPTION D’UNE LOI CRIMINALISANT L’HOMOSEXUALITE
Certaines Déclarations et Conventions ratifiées par notre pays soutiennent ou font l’apologie des pratiques très souvent en déphasage avec nos valeurs traditionnelles et religieuses. Pour certaines Déclarations, c’est la lutte engagée en faveur de l’apologie du libertinage sexuel, de la sexualité bestiale, débridée, et contre-nature à travers la décriminalisation de l’homosexualité comme une avancée notoire et en l’érigeant comme un droit inaliénable depuis le 17 Mai 1990 où l’Organisation Mondiale de la Santé a supprimé l’homosexualité de la liste des maladies mentales.
Des pressions sont faites sur des pays africains afin qu’ils adoptent dans leurs législations la dépénalisation de l’homosexualité. D’ailleurs, une résolution du Parlement européen fut un avertissement de taille pour l’Afrique, car elle menace les pays africains de sanctions économiques s’ils continuent à pénaliser les relations sexuelles homosexuelles..
N’eut été la vigilance et la détermination de la Communauté musulmanes du Mali, l’arbre de la promotion de l’homosexualité était prêt à être planter dans nos structures scolaires. Et cela à travers l’élaboration d’un manuel scolaire financé par le royaume des Pays Bas contenant le thème de l’homosexualité et destiné aux élevés du premier et du second cycle de l’enseignement fondamental dans notre pays.
L’OFFICIALISATION DE NOS LANGUES EN PLUS DU FRANCAIS
Après plus de six décennies d’indépendance, c’est regrettable que le Mali souscrive dans sa constitution que le Français est la langue officielle du Mali. Nous considérons cet état de fait comme une dangereuse capitulation culturelle inacceptable. Nous proposons à cet effet que « les langues nationales et le français sont des langues officielles du Mali ».
LE MEPRIS PAR L’HUMILIATION DU REPRESENTANT DU PRESIDENT HAUT CONSEIL ISLAMIQUE.
Nous avions été surpris de la façon abaissante, avilissante, et dégradante dont le représentant du président du HCIM a été humilié publiquement par les agents du protocole de la République. Notre frère Mohamed Mouffa Haidara, représentant du Président Cherif MADANI Haidara à la cérémonie de clôture fut chassé de sa place par des éléments du protocole prétextant que « la préséance ne se délègue pas ». C’était sans compter la vigilance et la détermination du 1er Secrétaire à l’Organisation du Haut Conseil Islamique (Mohamed Kimbiri) qui a aussitôt répliquer en réclamant la réciprocité à l’égard du représentant de l’archevêque en se fondant sur le principe « à situation égal, traitement égal ». C’’est après une chaude discussion avec les éléments du protocole que ceux-ci se sont rendu compte de leur forfaiture en autorisant le représentant du Président Cherif Madani Haidara à pourvoir cette place vacante. Ne cautionnant pas l’humiliation publique, surtout avec cette méthode discourtoise, et dégradante, le Représentant du Président du Haut Conseil Islamique a décliné l’offre. C’est pourquoi la place du représentant de la confession musulmane était inoccupée et non boycottée.
Par Mohamed KIMBIRI Haut Conseil Islamique du Mali
Le Républicain