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Amazonie: Oskar Metsavaht, le gardien de la forêt amazonienne

Une parcelle de terre brûlée en Amazonie (image d’illustration). RFI/Oriane Verdier
Texte par :
Martin Bernard
Oskar Metsavaht, le pape de la mode branchée carioca se mobilise en faveur de l’Amazonie et du développement durable. Il se considère comme un artiste engagé, plutôt qu’un homme d’affaires. Portrait.

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De notre correspondant au Brésil,

« Priez, mais agissez pour l’Amazonie ». Tel est le message de ce styliste engagé, fondateur de la marque de mode Osklen. Agissez, mais pas n’importe comment, avertit ce descendant d’Estoniens de 59 ans, dont le nom de famille signifie justement « gardien de la forêt », dans la langue balte. Il ne suffit pas de poster des messages sur Instagram ou de descendre dans la rue pour « sauver l’Amazonie ». Il faut vraiment mettre la main à la pâte, suggère-t-il.

C’est précisément à cela qu’Oskar Metsavaht s’est attaché pendant plus de 20 ans, au fil de plusieurs incursions au coeur de la forêt amazonienne. Sa propre foi dans le développement durable, alliée à une bonne dose de marketing, lui a permis de se faire une place au soleil sur la planète business. Tout d’abord grâce à sa propre marque, Osklen, qu’il a créée à la fin des années 90, en privilégiant l’usage de matériaux durables, comme le coton recyclé.

Un designer devenu culte

Dans les milieux branchés, Oskar Metsavaht et ses collections sont une véritable référence. Il existe une cinquantaine de magasins Osklen au Brésil, et une demi-douzaine aux États Unis, en Uruguay et en Grèce. Mais le designer s’est progressivement retiré du business, pour mieux se concentrer sur la création. Entre 2012 et 2014, il a cédé 60% du capital d’Osklen au groupe textile Alpargatas, également propriétaire de Havaianas, pour quelque 300 milions de reals brésiliens (environ 100 millions d’euros au taux de change de l’époque).

« Je ne me considère pas comme un homme d’affaires, mais comme un artiste, explique-t-il. J’ai suivi des études de médecine, mais j’ai toujours pratiqué l’art. La créativité m’a conduit à créer une marque, mais j’ai toujours eu cette préccupation artistique. » De la photo aux arts plastiques, Oskar Metsavaht apparaît comme un véritable touche à tout. Avec un point commun : ce qu’il appelle ASAP – jeu de mot entre l’expression anglaise « As Soon As Possible » et sa propre devise « As Sustainable as Possible ».

Pirarucu, poisson des fleuves amazoniens

« J’ai fait connaissance avec le pirarucu il y a 15 ans lors d’une expédition en Amazonie », raconte-t-il pour illustrer sa démarche. Il a fait de ce poisson d’eau douce, le plus gros d’Amérique du Sud, un objet d’études. Il a ainsi découvert que les écailles du pirarucu pouvaient servir à faire des sacs à main design. « C’est ce que j’appelle le ‘nouveau luxe’ : transformer la peau d’un poisson que l’on jetait à la poubelle pour l’utiliser dans la mode, et montrer que l’Amazonie peut générer des projets de développement durable en améliorant la qualité de vie des communautés locales », dit-il.

Et ce n’est pas tout : lors de la dernière semaine de la mode à Paris, Oskar Metsavaht a « prêté » sa trouvaille à la maison Courrèges, qui a adopté, lors d’un défilé, les sacs en écaille de pirarucu made in Amazonia ! « Maintenant, c’est moi qui aide Courrèges à obtenir le label développement durable, grâce à un partenariat avec mon Institut-e ». Cet institut, créé par Oskar Metsavaht, est une ONG qui gère ses multiples initiatives en matière de développement durable.

Économie verte

« Je me suis rendu compte de la richesse potentielle des projets à petite échelle. Souvent la Banque mondiale a financé des projets en Amazonie. Mais ils ne savaient pas comment transformer la matière première en produits de design. Ils ne savaient pas faire passer leur message auprès de la société », affirme-t-il. « Mais moi, je possède cette vision de la nouvelle économie verte. Je me suis plongé à fond dans cet univers, en faisant le trait d’union entre l’univers un peu romantique, l’idéologie de la préservation et la curiosité artistique, du design, d’un côté, et la conscience que l’économie allait se transformer et que les comportements de la société allaient changer, de l’autre. »

Barons de l’Amazonie

Sur le terrain, Oskar Metsavaht a pu toucher du doigt l’ampleur de la déforestation et la précarité des conditions de vie des Amérindiens. Lors des grands incendies de forêt de l’été dernier, il était justement en compagnie d’Indiens de l’ethnie Kayapó, dans une région isolée de l’Amazonie. Et en remontant le fleuve, comme il le fait chaque année pour passer Noël dans la région, il a de nouveau pu constater l’avancée des orpailleurs et des exploitants forestiers sur les terres indigènes, ainsi que la progression des plantations de soja vers le Nord. « Les barons de l’Amazonie sont encore très puissants », prévient-il. N’hésitant pas à prendre le contrepied du discours du président brésilien Jair Bolsonaro, il affirme que « nous ne sommes pas là pour apprendre aux peuples de la forêt comment ils doivent se développer ». Mais il ne suffit pas de protester, soutient-il. Il importe de présenter des alternatives viables.

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