Albanie: une conférence des donateurs pour reconstruire le pays après le séisme
Avni Hoxha, 73 ans, un habitant de Durrës constate les dégâts dans sa maison, le 2 décembre 2019, après le tremblement de terre qui a secoué l’Albanie. REUTERS/Florion Goga
Un milliard d’euros, c’est le montant nécessaire à l’Albanie pour se reconstruire après le violent séisme de fin novembre. Une conférence des donateurs est organisée par l’Union européenne ce lundi 17 février à Bruxelles. Dans la région secouée par le séisme, les habitants sont encore sous le choc.
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D’une magnitude de 6,3, le séisme du 26 novembre dernier a fait 51 victimes et 17 000 déplacés. Plus de 80 000 bâtiments ont été endommagés. Notre correspondant dans la région, Louis Seiller, s’est rendu à Durrës, deuxième ville du pays, et dans le petit bourg sinistré de Thumanë, à 45 km de la capitale, tous deux particulièrement touchés par la catastrophe.
Si de nombreux sinistrés ont commencé à être relogés à Durrës, beaucoup s’impatientent de ne pas savoir ce qu’il va advenir de leur appartement endommagé.
Des sacs de courses en mains, Astrit monte au deuxième étage d’un immeuble fissuré à plusieurs endroits. Depuis le séisme de fin novembre, cet électricien se rend chaque jour dans son ancien appartement.
« C’est ici qu’on habitait avant le séisme, raconte-t-il. Mais on a obtenu une aide au logement et donc on dort dans un autre appartement, parce que cet immeuble-là que vous voyez est dangereux. Mon père, lui, ne veut pas partir d’ici. »
« On n’a toujours rien reçu »
Deux mois et demi après le tremblement de terre, Durrës porte encore les marques de la catastrophe. Rien que dans la deuxième ville d’Albanie, ce sont plus de 37 000 bâtiments qui ont été endommagés. Lule Muka fait partie des 17 000 Albanais qui ont perdu leur logement.
« On nous a hébergés pendant deux mois dans un hôtel, indique-t-elle. Et maintenant ils nous ont demandé de quitter l’hôtel. Ils nous ont dit : « On va vous donner une aide au logement. » On n’a toujours rien reçu, mais on a quand même dû quitter l’hôtel. »
Si Lule et sa famille ont obtenu un nouveau logement, elle s’impatiente de ne pas savoir ce que va devenir leur résidence de douze étages aujourd’hui inhabitable. Son fils est monté au 7e étage, afin de récupérer des vêtements et sauver quelques meubles.
« On ne nous a rien dit, on ne sait rien de ce qui va se passer, poursuit-elle. Qu’est-ce qu’ils vont décider, on ne sait pas. Maintenant, là, on est obligé de venir récupérer des affaires en prenant ces escaliers détruits et en nous mettant en danger. Qu’est-ce qu’on peut faire d’autre ? Il faut vivre. »
Selon le ministère albanais pour la reconstruction, 12 000 personnes ont déjà obtenu une aide au logement. 18 zones ont également été retenues pour la construction de nouveaux quartiers résidentiels afin de loger les sans-abris.
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Thumanë, vidée de ses habitants, attend les travaux
Une cigarette à la main, Imer regarde le champ de ruines devant lui à Thumanë. Depuis le séisme son vieil immeuble est inhabitable. Malgré le froid, c’est dans une serre que dort ce paysan de 60 ans.
« Je me mets sous les couvertures et puis je dors, confie-t-il. Je n’ai pas d’autres choix. Je n’ai pas été candidat pour être relogé parce que j’ai mon terrain et mon champ ici. Je ne peux pas partir. »
Au milieu des décombres, des vêtements, des meubles défoncés, des fleurs. À Thumanë, 24 personnes sont mortes dans l’effondrement de leur immeuble. Toujours sous le choc de la catastrophe, Devi, 20 ans, a vu sa ville se vider de ses habitants.
« Beaucoup de gens ont été relogés dans des appartements de location comme à Tirana, Kamza ou ici à Thumanë, explique-t-il. Il y en a qui sont logés dans les maisons non habitées de ceux qui travaillent en Italie ou en Grèce. »
Un projet de reconstruction a bien été annoncé par les autorités. Mais à Thumanë, personne ne sait encore exactement quelle forme prendra la nouvelle ville. Près de la porte d’un immeuble défoncé, Devi montre une croix jaune.
« La croix jaune là que vous voyez, ça veut dire : « À réparer. » Mais d’après de ce que j’ai entendu, je crois qu’ils vont le détruire. Et Inch’Allah, ils vont faire quelque chose de beau pour Thumanë. Quelque chose qu’on n’a jamais vu. Parce que nous, ici, nous restons abandonnés avec nos traumatismes. »
Les autorités albanaises ont chiffré le coût de la reconstruction à plus d’un milliard d’euros. Elles ont aussi demandé de la patience aux 10 000 personnes qui dorment toujours dans des tentes. À Thumanë comme ailleurs, le début des travaux devrait commencer au printemps.
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