«Nous avons une dette envers la Libye très claire : une décennie de désordre». Ces propos d’Emmanuel Macron prononcés ce 23 mars 2021 à l’Élysée retentissent tel un mea culpa de la France, dix ans après son rôle prépondérant dans l’invasion de la Libye en 2011 par les Forces étrangères. Avant lui, le président Obama avait reconnu que cette intervention à l’appel de Nicolas Sarkozy était sa plus grande erreur. De leur côté, la Chine et la Russie avaient exprimé leur regret de n’avoir pas opposé de véto à cette aventure.
 
En réalité, la France n’est pas débitrice envers la seule Lybie, mais de tous les Etats du Sahel déstabilisés depuis l’effondrement de ce pays. L’Élysée devrait donc avoir le courage d’avouer que l’assassinat du Guide libyen et l’invasion de son pays par les armées occidentales sous sa houlette sont surtout les véritables causes de la tragédie sécuritaire dans les Etats du Sahel.
Idriss Déby et certains de ses pairs du Sahel n’ont de cesse déploré cette action occidentale contre Mouammar Kadhafi. Et qui a plongé la sous-région dans le chaos sécuritaire en y déversant mercenaires de toutes nationalités munis d’arsenaux les plus modernes.
Pourquoi la France se limite-t-elle à la seule Lybie au lieu de reconnaître sa dette envers tout le Sahel ?
Selon l’analyste Antoine Glaser, Emmanuel Macron réalise cet aveu d’une culpabilité française envers la Libye moins pour souligner la responsabilité de son prédécesseur que pour tenter de reprendre pied dans ce pays, alors que la Turquie, la Russie et l’Italie y ont regagné du terrain. D’autant que la Libye, outre ses richesses pétrolières, est aussi un pays-clé pour le contrôle de la Méditerranée et des flux de migrants.
Quoi qu’il advienne, ce show médiatique d’Emmanuel Macron est déjà perçu au Mali comme une reconnaissance indirecte de la France et des Occidentaux dans le chaos installé au Sahel. Sur RFI, Sory Ibrahim Diarra, président de l’Association malienne de veille citoyenne, explique : «Nous sommes vraiment contents de cette déclaration du président Macron. Tous les désordres qui se sont passés en Libye, au Mali, au Tchad, au Niger… Chaque pays du Sahel a été déstabilisé. Si la Libye redevient stable, tout le Sahel sera stable. ».
Que notre ancienne puissance coloniale fasse donc son mea culpa à tous les Etats du Sahel ! Qu’elle leur paye sa dette en les aidant à la bonne franquette à faire repartir du Sahel la horde de mercenaires!
Gaoussou Madani Traoré
Source: Le Challenger