Afri’ Actu : Benin : l’arme de la justice
L’ex PM béninois et ancien challenger de l’actuel Chef d’Etat au second tour de la dernière présidentielle, Lionel Zinsou, a été condamné ce vendredi 2 août par la justice de son pays à 5 ans d’inéligibilité et six mois de prison avec sursis pour « dépassement des frais de campagne électorale et usage de fausse attestation ». Si jamais cette peine est confirmée en appel, il sera de fait exclu des municipales de 2020 mais aussi et surtout de la présidentielle de 2021.
Pourtant, ce délit de faux et usage de faux est récusé par l’avocat de Zinsou qui avance que « le parquet n’a produit aucun document. Car en droit, il ne peut pas y avoir usage de faux sans la preuve scripturale qui a été soit contrefaite, soit falsifiée. Elle doit être produite ». C’est pourquoi Maître Robert Dossou estime que la justice ne peut pas condamner d’inéligibilité le candidat d’une coalition de trois partis qui n’a pas géré lui-même les comptes de campagne, si ce n’est pas pour d’autres motivations : « Ma conviction est faite que ce procès a été monté de toutes pièces pour rendre Lionel Zinsou inéligible. Ça fait partie de l’ensemble de ce que nous constatons aujourd’hui en République du Bénin », a-t-il clamé.
Pourquoi la Justice peut-elle ainsi condamner un individu à une aussi dure peine sans qu’elle-même ou sa défense n’ait en sa possession les pièces justificatives qui motivent la condamnation ? Par la manipulation du pouvoir exécutif ? Si l’on en croit Lionel Zinsou, Patrice Talon, après des législatives sans opposition, est dans une dynamique d’éliminer, par tous les moyens dont la procédure judiciaire, tous les candidats potentiels de l’opposition béninoise aux prochaines échéances électorales. Mieux, il accuse le pouvoir exécutif de l’avoir prévenu qu’il mettra tout en œuvre afin qu’il ne soit pas éligible.
Le Benin est d’ores et déjà empêtré dans une crise politique qui risque de le déstabiliser. Ce pays d’Afrique de l’Ouest, considéré depuis 1990 comme un modèle de démocratie sur le continent, est désormais en régression sur le plan démocratique.
Le 28 avril dernier, les électeurs béninois sont allés aux urnes pour choisir leurs députés. Mais pour la première fois, depuis trente ans, l’opposition n’a pu participer au scrutin. Sur les sept partis politiques engagés dans la course aux législatives, seuls deux partis apparentés au pouvoir en place ont finalement été autorisés par la Commission électorale nationale autonome (CENA) à présenter leurs listes. Aucun de l’opposition.
L’opposition béninoise est devenue par conséquent extraparlementaire. Si par extraordinaire, Patrice Talon tente le même coup pour l’empêcher d’aller aux municipales de 2020 ainsi qu’à la présidentielle de 2021, nul doute que le Benin va basculer dans une grande turbulence politique.
Gaoussou M. Traoré
Source : Le Challenger