Affaire Mahmoud Dicko: au nom de quelle immunité et de quelle complaisance
Le fait est si rare que je ne me souviens pas de l’avoir rencontré en plusieurs décennies d’observation politique. Il est du genre austère, sectaire, vindicatif et très négatif. Aussi, je m’empresse donc de vous soumettre et de vous proposer d’en juger.
Ce chef religieux, Mahmoud Dicko, Imam de profession de surcroit ex patron du Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM), censé être l’icône de la foi et de la morale, homme de Dieu et au service des valeurs morales, est malheureusement un spécialiste de la victimisation, grand donneur de leçon devant l’éternel, de la bonne gouvernance. Cet activiste religieux notoire et inconsolable qui, pour paraphraser Winston Churchill, ne prêche pas ce qu’il pratique et ne pratique pas ce qu’il prêche est l’un des derniers adeptes de Nicolas Machiavel.
Pour cet Imam, dit-on très respecté et très vénéré (sauf que la vénération n’est du qu’à Allah) qui a transformé sa mosquée en salle de meeting, il faut «contenter le peuple et ménager les grands, voilà la maxime de ceux qui savent gouverner ». Puisqu’il s’est juré de gouverner ce pays, il applique à la lettre les préceptes du Florentin : «Gouverner, c’est faire croire ».
Dans la légende qu’il s’est bâtie : c’est grâce à lui en 2012 que les occupants ont fait preuve de mansuétude en coupant pas davantage de mains de voleurs, en ne flagellant pas plus de transgresseurs et en ne lapidant plus de fornicateurs ; en 2013, c’est lui qui a fait élire l’actuel président qui lui doit encore son fauteuil ; l’apaisement au centre c’était grâce à lui ; et la remise du dialogue avec les leaders djihadistes, ses frères, c’est encore grâce à lui…
Donc comme son mentor et précepteur, il estime que « rien n’est aussi désespérant que de ne pas trouver une nouvelle raison d’espérer » et donc le moment venu pour reprendre son du : le pouvoir. Quitte à travers une conjonction de gourdins, de machettes et cailloux… pour caillasser ce régime qui ne tiendrait que grâce à son bon vouloir.
L’imam Mahamoud Dicko dans sa croisade contre le régime d’IBK et la prétendue mauvaise gouvernance, ne sait plus quoi faire et quoi dire. De manière inconsidérée et injustifiée, cet auto-proclamé procureur, adepte affirmé de la confrontation violente, assuré de son impunité, semble ne même pas ne s’est en fait jamais préoccupé un seul instant des conséquences de ses actes et de ses appels au meurtre.
Tout ce qui compte pour lui, c’est le pouvoir. Peu importe la manière. Après tout, y a-t-il une manière élégante de mettre un clou dans le bois ? Que nenni ! Après le maquis de Sade, une autre de ses références n’a-t-il pas dit que “Le pouvoir est par nature, criminel.” ?
En 2012, après le Coup d’État contre ATT, lors d’une mission menée au Burkina Fasso, l’Ex Président Blaise Comparé se serait exclamé ainsi devant la délégation: « messieurs, vraiment votre pays-là ! L’officier que vous avez envoyé pour vous représenter est venu négocier sa propre situation. Votre Imam aussi M. Mahamoud Dicko est venu me dire qu’il serait un bon Président de la Transition, surtout que son grand-père lui avait prédit cela. »
Comme on peut le voir, il ne date pas d’aujourd’hui l’ambition et le projet de notre grand Imam Mahamoud Dicko de chercher par tous les moyens à faire d’une prédication chimérique de grand-père une réalité à imposer au peuple malien.
Tout le monde le créditant d’une proximité voire d’une complicité habituelle avec Iyad au moment de l’occupation, l’ex PM Cheick Modibo Diarra, de bonne foi, lui avait confié la mission de médiateur, où il a envoyé son bras droit le vieux Yacouba Siby récupérer et ramener les militaires prisonniers en passant par Gao et Tombouctou en toute sécurité.
A l’époque c’est le colonel Amara Doumbia, le Commandant de Zone de Mopti qui vient d’être relevé, faisait partie du groupe. Aujourd’hui certains d’entre eux viennent saluer le vieux Siby dont les enfants de Iyad fréquentaient école franco-arabe à Banankabougou.
C’est pour vous dire que l’Imam Mahamoud Dicko a toujours été complice de cette situation d’insécurité avec les djihadistes et y a toujours voulu tirer son épingle du jeu sur tous les plans.
En novembre 2015, après l’attaque de l’Hôtel Radisson Blue, il a profité de cette situation pour faire l’apologie du terrorisme en minimisant l’acte et le nombre de morts. A l’époque, il a dit sans être inquiété que :
«…Nous devons tirer les leçons des attentats à Paris, comme à Bamako, à Tunis ou ailleurs dans le monde … Dieu est en colère. Les hommes ont provoqué Dieu. Les hommes ont provoqué Dieu. Ils ont demandé et exigé même la promotion de l’homosexualité.
« …Les terroristes nous ont été envoyés par Dieu pour nous punir de la promotion de l’homosexualité, importée d’Occident et qui prospère dans notre société. » Tout le monde se souvient à cette époque de la sortie du juge Daniel Tessougué qui a payé de sa carrière son courage d’alerter sur la dangerosité de Dicko.
Après la nomination du Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maiga, qui dit-il est son ami, il s’est battu auprès de ce dernier pour renouveler sa mission des bons offices auprès des djihadistes Iyad et Amadou Kouffa. En bonne et due forme, une commission a été mise en place et gravement arrosée pour le seul plaisir de l’imam. Il a même été approché par Sébastien Chadaud-Pétronin dont la mère Sophie Pétronin est encore entre les mains de ses ravisseurs. Il était question de sous de gros sous… avec un échancrer pour libérer la vieille dame avant que la France ne fasse pression pour le sortir du dossier. C’est le fils même de Sophie qui le raconte dans son livre « Ma mère, ma bataille »
Il est allé jusqu’à accuser la France d’avoir éliminé Cheik Ag Aoussa à Kidal par l’explosion de sa voiture sur une mine pour faire échouer sa mission, parce qu’ils savaient qu’il avait pu établir le lien entre lui et Iyad.
Voici ce qu’il a raconté à Jeune Afrique en décembre dernier à ce sujet : « Les seuls interlocuteurs connus étaient Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa. Kouffa nous a fait savoir qu’il suivait ce que disait Iyad, donc je n’ai pas échangé avec lui. J’ai donc transmis un message à Iyad Ag Ghaly. Celui qui était en charge de la liaison était Cheikh Ag Aoussa. Un jour, Ag Aoussa m’a appelé. Il m’a dit qu’il avait transmis ma commission, que son destinataire avait accepté ma requête et qu’il voulait trouver une solution au problème. Le jour même de cet appel, Cheikh Ag Aoussa était pulvérisé dans sa voiture à Kidal. »
À en croire Mahmoud Dicko, Cheikh Ag Aoussa l’aurait contacté le 8 octobre 2016 pour lui dire qu’Iyad Ag Ghaly acceptait de dialoguer avec les autorités maliennes. Problème : il n’avait alors pas encore été mandaté par le chef du gouvernement. « J’étais déjà en mission officieuse pour l’État. Ce n’est qu’à l’arrivée d’Abdoulaye Idrissa Maïga à la Primature [en avril 2017] que celle-ci est devenue officielle », explique-t-il à JA.
Le Monsieur « il faut que je devienne président » est devenu presque fou quand des liens solides de complicité ont été établis par les services de renseignement du monde entier entre lui et les milieux terroristes, mettant ainsi fin à sa mission des bons offices, où, dit-on, il avait un budget de presque huit cent (800) millions de francs CFA. Un lâchage qu’il n’a jamais pardonné au successeur de Abdoulaye Idrissa Maïga qu’il a combattu jusqu’au limogeage de ce dernier en avril dernier.
Sans la cagnotte de la Commission des bons offices et sans la préséance du Haut Conseil Islamique, le Grand Dicko est un Imam d’une petite mosquée de quartier comme les autres. Et ça c’est inadmissible pour celui qui se prédestine Président ! Donc à son départ de la présidence du HCIM il choisit d’investir le terrain politique. Ce qui l’oblige à parrainer, en fait créer, son Mouvement de soutien politico-religieux par son homme de main, le fameux sulfureux Kaou Djim.
La défaite est une chose ; la disgrâce en est une autre. Oui l’opération impensable du samedi 29 février 2020 de l’Imam Mahamoud Dicko révèle également l’ampleur de ses angoisses face à son destin.
En effet, pariant sur un énième report des législatives, le Mollah « Koumounin » (selon la formule de Assadek) qui avait retiré ses partisans de la course, se voit pris de court et dribblé par le sort. Le régime met tout en œuvre pour tenir l’échéance. Alors, il faut agir… En fait, il faut empêcher que le peuple ne prenne en main son destin en s’exprimant à travers les urnes ce 29 mars prochain.
Soit un mois avant le premier tour, le chef religieux appelle à la rue, demande aux Maliens de s’armer de bâtons, de machettes, de gourdins, de sabres … pour passer à l’attaque. Contre qui ?
En tout cas pas contre Kouffa et Iyad auxquels il vient d’adresser une demande de trêve. Sinon il aurait été simple de dire aux Maliens de s’armer avec ce qu’ils ont pour aller appuyer les FAMA à déloger Kouffa du Centre et Iyad du Nord. Quelqu’un a-t-il entendu un appel quelconque de Mahmoud Dicko en faveur de nos soldats ? Que Non !
La vérité, c’est aussi le nom d’Allah et celle-ci voudrait qu’on dise que la vraie cible de Mahmoud Dicko est connu de tous : c’est le président IBK et son régime auxquels il a donné une semaine pour changer les choses. En d’autres termes, une semaine pour supprimer des institutions et prendre des mesures dont il a édictées.
Mais quel pouvoir a-t-il un président de la République pour dissoudre et éradiquer une institution prévue par la Constitution sans un référendum ? Dicko plaidera-t-il pour une procédure référendaire accélérée ? Il tombe dans la folie ou veut-il nous ramener aux époques révolues de république bananière ?
Car incapable de se faire élire par le suffrage universel, depuis avril 2019, l’histoire des derniers mois du mollah Dicko est celle d’un soleil rougeoyant qui perd sa chaleur et dont la taille diminue jusqu’à ce qu’on le perde de vue. Un volcan qui crachouille jusqu’à finir par s’éteindre.
M.Dicko se trouve isoler encore et encore, alors pour exister il met le destin du Mali sur la balance à travers des élucubrations, des déclarations légères, complaisantes et gravissimes.
Dans cette grande désinvolture, avec parcimonie et habilité et sans la moindre hésitation sur les faits, il demande au peuple malien de s’engager sur la voie du martyr et l’appelle au meurtre.
Mais voilà, le Mali est un pays à part ! Sinon dans tout autre pays du monde, cette forfaiture, cette bourde coûteuse, cette erreur de jugement pour laquelle Mahmoud Dicko allait être interpellé, jugé et condamné.
Car rien ne justifie une telle sortie d’un cynisme et d’une brutalité sans pareille. Sans oublier que Bandjougou Doumbia n’a pas parlé devant un public si nombreux ! Et d’autres sont partis en prison pour moins que ça (Aboul Niang, Bouba Fané, Tiégoum B Maïga). Au nom de quelle immunité ou quelle complaisance d’Etat, Mahmoud Dicko serait-il épargné de toute poursuite ?
Dans ces conditions, la question est : jusqu’où l’Imam activiste peut-il et va-t-il aller ? Les Maliens qui ne sont pas naïfs vont-ils se massacrer comme au Rwanda pour que Mahmoud Dicko soit président parce que son grand-père l’a l’a prophétisé ?
Sans préjuger sur la suite des évènements à savoir l’attitude du régime vis-à-vis de cette pantalonnade qui est une violation manifeste de la loi, Mahmoud Dicko a-t-il tous les atouts pour mettre à exécution son plan de renversement du régime ?
Au regard de sa capacité de mobilisation qui reste insignifiante sans l’apport du Chérif de Nioro et de Chérif Ousmane Madani Haïdara (qui vient de se démarquer en appelant à une journée de prière ce vendredi au lieu d’une guerre de haches et gourdins) il est clair que Dicko se trompe de combat et d’adversaires en engageant une confrontation sanglante et ça avec le régime.
Les Maliens, et surtout ceux de Bamako sont certes en antipathie avec le régime, mais combien d’entre eux sont-ils disposés au martyr à travers une guerre sainte ?
Comme on le voit, cette fois- ci l’expert se trompe totalement de cible (un régime ce n’est pas Premier ministre fragilisé), de combattants (tout le monde n’est pas avec lui) et de règle de jeu (la politique ce n’est pas la guerre).
Il est clair que Mahmoud Dicko est l’activiste islamiste qui nourrit le plus de haine et de mépris envers la classe politique mais il est regrettable qu’il prône la violence, la terreur, la guerre civile et destruction de notre pays simplement pour assouvir son fantasme d’être président de la République.
Comme l’a dit John G Whittier dans le poème patriotique intitulé (Barbara Frietchie) : « tire si tu le dois sur cette vieille tête chenue, mais épargne le drapeau de ton pays, dit-elle. »
Oui, il part chasser le lion et revient avec des chats pourris. Comment peut-il se comporter en patriote d’antichambre ? Qu’est ce qui lui pousse de jouer à la roulette avec l’histoire ?
Le ferment d’idées, l’artiste des solutions inédites, l’homme depuis le 5 avril 2019, est en vérité marginalisé, contredit par les évènements, chassé proprement de la tête du HCIM, mais refusant d’accepter sa déchéance avec élégance et humilité. Lord Alfred Tennyson a dit : «La vraie humilité est la mère de toutes les vertus. »
Faut-il rappeler à ce grand érudit les paroles du Saint Prophète (paix et bénédictions sur lui et toute sa famille et descendance) : « Allah m’a révélé de vous ordonner l’humilité, afin que nul ne méprise un autre, et que nul n’opprime un autre. » (Rapporté par Muslim) ?
L’humilité s’oppose à l’orgueil, à l’arrogance et à la suffisance. Elle est une qualité, lorsqu’elle est sincèrement et profondément ancrée dans le cœur de l’homme, qui ne laisse pas de place au dédain et à l’oppression. Elle est un trait de caractère, fondamental au sein de la foi, qui permet à celui qui le porte, de se remettre sans cesse en question, de ne jamais se satisfaire de ses actions et de toujours agir avec considération pour autrui. Musaylima al-kadhdhâb, le faux prophète s’est fourvoyé et brisé sur l’autel de l’arrogance et des ambitions démesurées sinon n’a-t-il pas été un préféré du prophète et considéré comme le plus méritant de ses parents en ayant accepté de garder leurs biens à l’entrée de Médine ? Il faut être modeste et savoir que seul Dieu peut !
Mais hélas, encore hélas ! L’ancien chef de la communauté musulmane du Mali est progressivement devenu comme un tyran aux yeux pétillants, titillant le Président IBK en raillant la prétendue veulerie de son gouvernement. Et ça, c’est son style : railler, flatter, lécher les bottes, dénoncer systématiquement et de manière excessive. Or tout ce qui est excessif est insignifiant !
Le personnage daté, mû par un désir de gloire et d’éloges, mais n’ayant pas peur de l’opprobre public est en train de perdre foi en Dieu et à l’histoire. Il devient un acteur qui n’existe que pour son public !
Alors la main sur le cœur il veut nous faire croire que c’est lui le recours. Non, la vérité est qu’il joue avec les événements en essayant d’anticiper pour se placer « du bon côté de l’histoire ».
Sauf que son goût délirant du pouvoir l’empêche de comprendre qu’il est comme un avion en fin de vol, sur la pente descendante, dont le carburant s’épuise, cherchant en vain un terrain sûr où atterrir.
Parce que tout simplement le peuple malien n’aime pas tout ce qui est excessif. En effet, “Tout ce qui est excessif est insignifiant.”disait Tayllerand. C’est pourquoi, beaucoup considère le « Mollah Mahmoud Dicko» et sa suite(Iyad et Kouffa) comme ceux-là mêmes qui ont privé l’Etat malien des moyens du changement. Or, un Etat privé des moyens du changement est un Etat privé des moyens de sa conservation.
Ce spécialiste de la tromperie permanente, grand seigneur du vol des mots, a toujours été l’un des grands privilégiés et chouchou de la République.
Aussi se croit-il tout permis ? Mais comme disait Le Négus Haille Séllassié : « à travers l’histoire, c’est l’inaction de ceux qui aurait pu agir, l’indifférence de ceux qui savaient, le silence de la voix de la justice quand elle comptait plus qui a rendu possible le triomphe du mal. »
Sans jouer aux Cassandre, je reste convaincu que l’histoire se vengera cruellement de notre grand Imam Mahmoud Dicko tôt ou tard, avec cette ironie mordante qui est sa marque de fabrique, en faira de lui le symbole de la trahison et du dédit, le synonyme de l’opportunisme et de la veulerie.
Ce partisan et artisan du coup d’État permanent n’est qu’un politicien raté sans plus, un mangécrate et nageur en eaux troubles.
C’est ma conviction. Je souhaite être démenti par l’histoire. Mais hélas !
Sibiri Samake.