Affaire de la mairie de Konsinka: comment le gouverneur de Kayes a échappé au lynchage
Hier mercredi, l’accalmie habituelle de la commune rurale de Konsinka a été de nouveau bouleversée à cause d’un ordre de M. M’Baye KONATE, le gouverneur de la région de Kayes, intimant de remettre les clés de la mairie au très contesté maire, M. Tamassa KEBE. Cette décision du gouverneur a suscité une vive tension à Kersigané, chef-lieu de la commune rurale, où s’est tenue la réunion entre le représentant de l’état et les habitants. Une réunion qui a tourné en vinaigre, puisque le gouverneur a pris la poudre d’escampette, selon les informations recueillies sur place.
Ce sont des centaines d’hommes, de jeunes et de femmes qui ont envahi le lieu, prenant d’assaut la mairie. La foule excitée était déterminée à mettre fin à cette situation, selon eux, du fait de l’indifférence des plus hautes autorités qui ne se sont pas encore prononcées sur l’affaire, en vue d’en apporter une solution définitive.
Selon un ressortissant de la localité, c’est ce mercredi 19 décembre que les habitants de Kersigané ont reçu la visite du gouverneur Konaté. «Il n’est pas passé par quatre chemin. Il nous a ordonné de remettre les clés à Tamassa KEBE, pour que ce dernier reprenne service. Pire, il prévient que cette décision est venue des autorités et que les habitants de la commune en récolteront les conséquences s’ils s’avisaient de contester cette décision. Un camarade de Tamassa, le maire contesté, présent à la réunion, surenchérit ces propos en menaçant que si la population refuse d’obtempérer, le gouverneur retournera à Kayes pour y ramener en renfort les forces de sécurité, afin que le maire Tamassa réoccupe les locaux de la mairie. Le gouverneur, présent sur les lieux, ne l’a pas contredit. Ce qui a soulevé l’indignation des habitants et explique cette insurrection», a-t-il relaté. Le témoin raconte que la petite ville Kersigané a été submergée par plus de 2000 personnes, venues de toutes les localités relevant de la commune rurale. Quant au gouverneur KONATE, il s’est illico presto replié sur Kayes. D’ailleurs, ce serait grâce aux responsables de l’association des jeunes que le représentant de l’Etat, face à l’ire de la population, a pu regagner son véhicule et quitter sain et sauf les lieux.
M. Aboubacar SIBY, porte-parole de l’association des jeunes de Konsinka, a une fois de plus exprimé le ras-le-bol de toute une communauté face à cette situation : « Le gouverneur de Kayes nous a déçus ! Nous croyons qu’un agent de l’Etat doit être impartial. Comment, après un mort et une vingtaine de blessés dans une affaire, le gouverneur peut venir de la sorte provoquer les populations endeuillées ? En tout cas, la population est décidée et elle attend fermement les renforts annoncés», assure-t-il avant de rappeler que le conseil communal a été naturellement dissous, suite à une démission massive de tous les conseillers.
Rappelons que depuis les affrontements sanglants, autour de la contestation du maire Tamassa KEBE de l’URD dans la commune rurale de Konsika, il y a eu de multiples démissions dans les rangs de l’entourage de l’édile. En effet, les élus communaux Samba DIA, Diango SANGARE et Amadou ont jeté l’éponge, peu après les démissions de trois autres conseillers, à savoir les sieurs Ladji SIBY, Mahamadou KEBE et Mme Cissé DRAME qui avaient déjà rendu le tablier aux lendemains du drame, ayant causé un mort et des blessés. Ces démissions s’expliquaient par l’inactivité dans les locaux de la mairie, toujours sous contrôle des jeunes de la commune rurale. Il faut signaler que la démission d’une majorité d’élus locaux entraine automatiquement la dissolution du conseil municipal dont ils font partie. C’est pourquoi, la population de la commune rurale de Konsinga réclame une nouvelle élection ou une autorité intérimaire consensuelle, qui exclurait le maire contesté. «Nous n’allons pas quitter la mairie, tant que Tamassa est là. Même si cela durera des siècle», a averti le porte-parole de l’association Dagakané !
Cette affaire, opposant les populations de la commune rurale de Konsinka et les responsables du parti URD de la commune, risque de rendre une tournure inquiétante si l’Etat ne se saisit pas du dossier en urgence. L’association ‘’Yélimané Dagakané’’ a lancé un ultimatum au parti URD et au gouvernement, en les mettant en garde contre une éventuelle inculpation de leur camarade Mahamadou KEBE, un jeune responsable influent dans la commune rurale qui est innocent. Celui-ci avait comparu devant le juge, le 18 décembre dernier. On lui reproche d’avoir proféré des menaces de mort à l’endroit du maire Tamassa et de ses soutiens. Le jugement a été renvoyé au 5 février 2019, car le dossier de la partie civile serait compliqué. De plus, aucun représentant de la partie n’était présent à l’ouverture du procès.
Pour revenir à la situation actuelle du chef-lieu de la commune rurale de Konsika, au moment où nous mettions sous presse, , la mairie de la localité était encore assiégée par une foule en colère, exaspéré par l’attitude du gouverneur qui vient, par sa visite, de jeter l’huile sur le feu. «Ils vont nous tuer tous, sinon on ne bouge pas d’ici. Comme ça, Tamassa sera le maire dans une commune vide», lance-t-on ici avec détermination.
Par Christelle KONE