Adresse de nouvel an de Soumaïla Cissé
MALIENNES, MALIENS,
En ces temps de deuil, je tiens à présenter mes condoléances les plus émues et les plus profondes aux familles des victimes de tous les massacres qu’a connus notre pays. Plus particulièrement les carnages meurtriers de ces derniers jours.
Prompt rétablissement aux blessés, réconfort aux personnes affectées psychologiquement. C’est, en ces circonstances dramatiques, que je tiens à m’adresser au Peuple malien.
Oui, en toute objectivité, assumant pleinement ma responsabilité, je sors de ma réserve républicaine pour fustiger le chaos que vit notre pays en ces heures sombres, frappé par le silence des autorités qui entoure les massacres au Centre du pays.
CHERS COMPATRIOTES ;
Depuis plusieurs années, notre pays est en proie à la violence faisant de nombreuses victimes. La nébuleuse djihadiste y a ajouté son lot d’atrocités. Actuellement, des groupes ethniques sont directement ciblés, tant au nord, qu’au centre du pays. Les exactions de ces derniers jours sur des populations civiles innocentes notamment d’origine peulhe sont révoltantes et inqualifiables.
D’abord annoncées sous l’angle du conflit intercommunautaire, ces massacres à ciel ouvert de vieilles personnes, de femmes, d’enfants avec rapt de bétail et incendies de greniers, jusque-là inconnus de notre société, constituent des crimes imprescriptibles car relevant d’un plan diabolique et machiavélique orchestré et minutieusement mis en œuvre avec pour but ultime l’intimidation voire l’élimination d’un groupe ethnique : les Peulhs.
Le quasi-mutisme observé par les autorités actuelles étonne largement et confine à la complicité passive. Le Gouvernement, derrière son silence, cache mal une tacite approbation de ce qui, s’il ne l’est déjà, relève purement du génocide.
Les timides réactions de la communauté internationale et de quelques association de défense des droits de l’homme, sont à saluer ; cependant, le laconique et soporifique communiqué sur internet ou les réseaux sociaux est loin de dissuader des forces du mal, organisées et visant un objectif précis. Tuer, massacrer impunément sont inacceptables. Tuer, massacrer impunément un groupe ethnique sont inadmissibles. Les Maliens de tous bords et de toutes sensibilités disent : ÇA SUFFIT !
Chaque Malienne, chaque Malien, quel que soit son ancrage social, a le droit de crier sa colère.
Ne pas se mêler des événements, fussent-ils meurtriers, peut paraître, dans un premier temps, comme une réserve et un respect, voire une confiance en nos autorités. Aujourd’hui, ce cap est entamé et largement dépassé. La récidive, plus dramatique, mieux organisée et stratégiquement planifiée, méritait une réplique à la hauteur de la violence engendrée. En vain, silence radio et toujours le même écho : «Les dispositions idoines seront prises». Les pseudo-apaisements continuels et sans résultat constituent une sorte de blanc-seing aux assassins. Ils sèment la violence et la peur, à travers des souffrances physiques et morales d’une atrocité rares. Avec tous les Démocrates, disons que C’EST TROP !
Chaque Malienne, chaque Malien, quel que soit son ancrage social, a le droit de crier sa révolte.
MALIENNES, MALIENS,
La pondération ne signifie pas mansuétude. Laisser de paisibles populations civiles à la merci de hordes d’assassins, malgré les antécédents, est un manque de visibilité et de lucidité. Un gouvernement responsable agit plutôt que de réagir, chaque fois et après coup, ce, sous la pression de l’opinion publique. Un gouvernement digne de ce nom anticipe et prévoit. Aujourd’hui, on peut crier avec tous les Patriotes : TROP C’EST TROP !
Chaque Malienne, chaque Malien, quel que soit son ancrage social, a le droit de crier son indignation.
Le silence coupable et l’inertie du pouvoir actuel sont inconcevables. Cette attitude passéiste frise le ridicule. Elle dérange la conscience nationale. Elle heurte même la bonne foi et l’honneur des Honnêtes Gens.
Un tel comportement décrédibilise l’action publique et discrédite notre pays. Il cultive la haine et la transforme en vengeance perpétuelle.
Oui, Maliens de tous bords, NOUS SOMMES EN COLÈRE LÉGITIME
Oui, Maliens de tous bords, NOUS SOMMES REVOLTÉS.
Oui, Maliens de tous bords, NOUS SOMMES INDIGNÉS.
CHERS COMPATRIOTES ;
Malgré les blessures morales et les souffrances physiques, nous devons garder en mémoire l’héritage de pondération et de sagesse de notre peuple. Une sagesse fondée sur la patience, l’attention et l’écoute dynamique des autres.
Nous devons garder constamment en mémoire que nous n’avons qu’une seule PATRIE : le Mali, cette terre de métissage et de cosmopolitisme exemplaire. Nous n’avons qu’un PAYS : le Mali, ce territoire d’humanisme et d’hospitalité.
Nous constitutions une NATION, la Nation malienne, faite d’apports divers et fécondants, de traditions de cousinage et de règlements des litiges internes.
Nous n’avons que le Mali, celui de nos Enfants… Ceux qui agissent dans la violence et ceux qui perpétuent l’injustice veulent la destruction de notre pays pour assouvir leurs ambitions cachées.
C’est pourquoi, malgré la frustration, l’injustice, le déni du droit, j’ai de l’espoir !
C’est pourquoi au-delà de la COLÉRE LEGITIME, au-delà de la RÉVOLTE et de l’INDIGNATION, j’ai beaucoup d’ESPOIR.
J’ai de l’ESPOIR parce que je sais que les Dogons et le Peuls ne se vouent ni haine ni rancune. Je sais que, quel que soit l’enjeu, les Dogons et les Peuls sont toujours parvenus à aplanir leurs conflits sur la base de la justice et de solidarité.
J’ai, également, ESPOIR parce que les Dogons ont clairement fustigé ces massacres d’une violence indigne d’un Malien ! Le Malien n’a aucune gloire à faire souffrir son voisin. Il déteste la vengeance !
J’ai, surtout, ESPOIR parce que notre peuple revisite son passé et se passionne pour son avenir. Un avenir de gloire, de prestige dans l’unité, la paix, la concorde et surtout la solidarité.
Oui, SOLIDARITE, parce que tous les jours des gestes de grande solidarité s’effectuent de façon anonyme mais de façon si forte.
Des gestes d’amitié et de fraternité de Dogons et de Peulhs dont les familles sont unies pour toujours et qui prônent l’apaisement des deux côtés.
Oui, je connais des Dogons de culture peulhe et des Peuls de culture dogon qui sont le ciment de la fraternité entre deux groupes ethniques que tout lie et qui ont toujours vécu en bonne intelligence !
Oui, je connais des couples dogon-peulh. J’imagine la détresse de leurs enfants devant un tel drame qui leur demande de choisir entre père et mère. Cruel dilemme !
J’ai pourtant espoir quand je revois des gestes de solidarité entre Frères Dogons et Peulhs, entre les Jeunes de ces Ethnies à l’image de toutes les autres composantes de notre société !
J’ai espoir et suis fier quand je regarde ce beau et vaste pays arrosé par les plus grands fleuves de l’Afrique de l’ouest. Un pays d’opportunités internes comme avec sa DIASPORA.
J’ai espoir et surtout la conviction que nous pouvons surmonter ces terribles épreuves.
Oui, j’ai la ferme conviction au point où, dans la douleur, la colère et l’indignation, je me prends à rêver d’un Mali pacifié, réconcilié et uni conforme à notre devise : « UN PEUPLE, UN BUT, UNE FOI ».
Un rêve enrichi des apports de soutien et de la solidarité de tous nos Amis de la Communauté internationale. Un rêve collectif de la réalisation de notre objectif commun : « RESTAURER L’ESPOIR »
Oui, « RESTAURER L’ESPOIR » pour bâtir un PAYS STABLE, UN ETAT CRÉDIBLE, UNE NATION UNIE ET SOLIDAIRE !
Que dieu protège et bénisse le Mali !
Soumaïla CISSÉ