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Abdoulaye Diop : «Nous souhaitons que la Cedeao écoute les maliens et les accompagne»

L'Essor

 

 

Dans cet entretien exclusif, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale explique la complexité de la crise de notre pays. Abdoulaye Diop évoque également les relations un peu tendues entre le Mali et la France, la polémique autour du groupe Wagner. Le chef de la diplomatie malienne fait aussi le point des discussions avec la Cedeao pour éviter d’autres sanctions contre notre pays

L’Essor : Les relations entre le Mali et la France sont tendues depuis quelques mois. En tant que chef de la diplomatie malienne, comment voyez-vous l’évolution de cette relation?

Abdoulaye Diop : C’est vrai que les relations entre le Mali et la France connaissent des moments difficiles mais cela est dû au fait que nous avons souhaité que ces relations soient fondées sur de bases nouvelles. Le Mali et la France entretiennent des relations historiques parce que d’abord c’est l’ancienne puissance coloniale.

Ensuite, sur le plan de la relation politique et économique, nous avons beaucoup de choses en commun. Mais depuis la mise en place du processus de Transition, nous avons souhaité que cette relation prenne davantage en charge la nécessité du respect de la souveraineté du Mali sur un certain nombre de questions. Nous avons souhaité qu’il y ait davantage de sincérité dans cette relation vis-à-vis du Mali. Nous avons souhaité qu’il y ait plus de clarté dans l’engagement de la France vis-à-vis du Mali, notamment dans les efforts de stabilisation.

Nous voudrions aussi que cette relation soit une relation d’égal à égal. Ce sont ces questions qui sont sur la table, et sur lesquelles nous travaillons. Sur le fond, nous souhaitons que la France inscrive son action dans le cadre d’une posture plus constructive vis-à-vis du Mali. Or, on voit aujourd’hui que notre pays fait l’objet d’attaques de façon constante, de campagne orchestrée contre les autorités de Transition.

Il y a des déclarations de part et d’autre qui n’ont pas contribué à apaiser la situation. Mais de tout le temps, le Mali a inscrit son action dans le cadre du dialogue, de la coopération. Nous restons dans cette dynamique mais nous ne transigerons pas sur la protection des intérêts du Mali et des Maliens.

L’Essor : Qu’est-ce que les autorités maliennes attendent concrètement de la France ?

Abdoulaye Diop : Nous attendons de la France qu’elle comprenne qu’à Bamako, il y a une autorité de Transition dirigée par Son Excellence, le colonel Assimi Goïta. Qu’il y a aussi un gouvernement dirigé par le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga.

Ce sont ces autorités avec lesquelles il faut travailler aujourd’hui pour aller vers un retour à l’ordre constitutionnel au Mali. Il faut que l’action de la France s’inscrive dans ce cadre et qu’elle puisse, comme elle l’a indiqué, inscrire aussi son action dans le cadre du respect de ce qui est convenu dans le cadre régional : la Cedeao et l’Union africaine. Même si nous sommes suspendus de ces institutions, il y a quand même un dialogue en cours afin de lever les entraves.

L’Essor : Quelles sont ces entraves ?

Abdoulaye Diop : Ces entraves sont de plusieurs ordres parce que nous sentons souvent des interférences par rapport à notre politique intérieure. Il est important que la France prenne quelque distance dans la gestion de la crise au Mali. C’est pourquoi, j’ai rappelé qu’il y a des autorités et qu’il faut que la France travaille avec ces autorités et non avec des parties maliennes ici et là.

L’Essor : Vous pensez que le partenaire français est en train d’ignorer nos autorités ?

Abdoulaye Diop : C’est une question à laquelle la France doit répondre. Mais nous souhaitons qu’il y ait un engagement et un dialogue constructifs avec les autorités maliennes pour résoudre l’ensemble de ces questions. C’est seulement à ce prix que nous allons pouvoir avancer dans le cadre d’un dialogue apaisé pour résoudre les problèmes parce que le processus de Transition n’est pas géré par les pays individuellement.

Notre engagement par rapport au processus de Transition, c’est dans le cadre de la Cedeao essentiellement. Toutes les exigences de la Cedeao ont été satisfaites par le Mali. Le seul élément sur lequel nous n’avons pas encore eu d’accord, c’est le chronogramme de la Transition. Les autres partenaires doivent s’aligner sur ces questions et engager une discussion avec nous sur cette base.

L’Essor : Le Mali envisage de diversifier ses partenariats dans le domaine de la sécurité. Cette initiative soulève une levée de boucliers du partenaire français qui a battu le rappel de ses alliés pour mettre la pression sur les autorités de la Transition. Quel commentaire faites-vous de cette situation ?

Abdoulaye Diop : Je pense qu’il y a souvent des exagérations par rapport à cette question. Je me rappelle que quand moi-même j’ai rejoint les Affaires étrangères en tant que jeune cadre au début des années 90, la diversification des partenaires était déjà un principe cardinal de notre diplomatie. Peut-être qu’aujourd’hui, il y a une vigueur qu’on veut donner à cette diversification des partenaires. Ce qui est normal. D’ailleurs, tous les pays du monde, mêmes ceux qui nous font ce reproche, s’inscrivent dans le cadre de la diversification de leur partenariat.

Nous estimons que le Mali n’est l’exclusivité de personne et chaque partenaire aura sa place pour travailler avec nous. Le Mali veut avoir des relations de partenariat avec chacun des pays en fonction des avantages comparatifs. Il y a certains qui ont des atouts dans le domaine de l’équipement. Il y a d’autres dans le domaine de la formation. Il faudra donc que le Mali puisse jouer de l’équilibre qu’on peut trouver que ça soit avec la Chine, la Russie ou avec les pays européens, américains ou asiatiques. Nous n’avons besoin de la permission de personne pour faire cela.

Je sais qu’il y a une compétition géopolitique. Il y a des problèmes entre les grandes puissances mais ces problèmes ne concernent pas le Mali. Comme on le dit : les amis de nos amis ne sont pas forcément nos amis et les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos ennemis. Nous inscrivons notre relation bilatérale avec chacun des pays. Et le Mali ne peut pas être aux pieds des éléphants qui se battent parce que leurs problèmes ne nous concernent pas.

L’Essor : Quelles est la nature de la coopération militaire entre le Mali et la Russie ?

Abdoulaye Diop : La coopération militaire entre le Mali et la Russie n’a pas varié. Il y a certainement une volonté politique plus forte et il y a des besoins au Mali qui sont urgents et qui nécessitent qu’on aille plus vite. La coopération entre ces deux pays est une coopération ancienne depuis le temps de l’ex-Union soviétique qui s’inscrivait dans le cadre de la formation des cadres militaires et civils mais aussi dans le cadre de l’équipement.

Nous comprenons que la Russie d’aujourd’hui est différente de l’ex-Union soviétique dont elle a hérité, parce que le paquet de soutiens que nous avions à l’époque n’est pas possible aujourd’hui parce que c’est une coopération qui exige aussi une coopération commerciale.

Nous sommes conscients de cette différence. Mais aujourd’hui, l’accent est mis au Mali sur l’acquisition d’équipements et d’armements avec la Russie qui est un partenaire qui ne nous soumet pas les conditionnalités que nous rencontrons ailleurs parce que nous sommes dans un cadre de lutte contre le terrorisme. Nous sommes un pays en guerre où les besoins sont urgents. Ce partenaire a la capacité de répondre à nos demandes comme nous le souhaitons.

L’Essor : Le Mali envisage-t-il de faire recours à un groupe de mercenaires ?

Abdoulaye Diop : Nous l’avons appris par la presse. Au début, nous avons estimé qu’en tant que gouvernement responsable, nous n’avons pas à répondre à toutes les rumeurs. Et puis cela a pris une toute autre ampleur et c’est devenu pratiquement une campagne d’acharnement contre le Mali. Nous comprenons aussi que ces accusations de recours à des mercenaires sont pratiquement utilisées comme un moyen de chantage pour que le Mali puisse renoncer au renforcement de la coopération avec la Russie. Mais le gouvernement du Mali a clarifié cette question avec nos partenaires français et avec les autres qu’il n’y a pas de contrat signé avec qui que ce soit. Notre politique n’est pas de fonder nos efforts sur une société de sécurité privée, mais c’est plutôt de privilégier le renforcement et l’équipement de nos forces de défense et de sécurité.

L’Essor : Le Mali réclame depuis quelques années le renforcement du mandat de la Minusma. Y a-t-il un espoir pour que notre pays soit entendu au niveau de l’ONU ?

Pourquoi le Mali a-t-il refusé le déploiement de 2.000 Casques bleus supplémentaires ?

Abdoulaye Diop : Avant de répondre à cette question, il faut reconnaître les sacrifices des soldats de la paix. Il y a quelques jours, nous étions dans le Quartier général de la Minusma pour huit soldats (sept Togolais et un Égyptien) qui ont perdu la vie dans la défense de notre pays. Nous nous inclinons devant leur mémoire comme nous nous inclinons devant la mémoire des centaines d’autres soldats étrangers qui sont morts dans le cadre de ces opérations pour la protection du Mali.

La Minusma est là pour notre bien mais ce que nous essayons de discuter, c’est de revoir le mandat qui est donné à cette Mission. C’est le Conseil de sécurité qui fixe le mandat de la Minusma. Mais le mandat qui est donné est celui du maintien de la paix dans une zone où il n’y a pas de paix à maintenir parce que c’est une zone marquée par le terrorisme et une guerre asymétrique. Donc, ça veut dire que le mandat qui est donné à la Minusma n’est pas en phase avec les menaces auxquelles nous faisons face.

Nous aurions voulu avoir des unités offensives comme nous l’avons vu en République démocratique du Congo dans le cadre de la Monusco qui a un mandant de traquer les terroristes. Aujourd’hui, un mandant d’interposition n’est pas adéquat au Mali. Ce mandat doit être revu pour répondre à la menace.

Pour l’instant, il n’y a pas de satisfaction. Nous continuons à demander un mandat robuste pour la Minusma. Mais nous n’allons pas nous asseoir pour attendre que la communauté internationale évolue.

L’Essor : Puisque la Minusma n’a pas encore donné satisfaction, est-ce que c’est ça qui a motivé la décision de ne pas recevoir 2.000 Casques bleus supplémentaires au Mali ?

Abdoulaye Diop : Je ne pense pas que le Mali ait refusé quoi que ce soit. Nous avons appris qu’un dossier était déposé devant le Conseil de sécurité des Nations unies pour l’augmentation des effectifs de la Minusma à 2.000 hommes qui seront déployés dans le Centre du Mali. Je crois que pour un gouvernement responsable, ce n’est pas la façon dont les choses doivent se passer parce que normalement quand le mandat d’une Mission finit, il y a toujours une revue stratégique qui définit les modalités de mise en place d’une nouvelle force.

Le gouvernement du Mali n’a pas été saisi pour avoir des discussions sur la pertinence et l’opportunité d’une augmentation des effectifs de la Minusma. Donc nous avons estimé que la méthode était viciée et qu’elle n’était pas acceptable. Premièrement, on n’a pas pu nous donner les arguments techniques qui nous convainquent que cette augmentation va répondre davantage à la menace dans la zone. Deuxièmement, quelle en est l’efficacité. Troisièmement, dans quelle mesure cette augmentation s’inscrit dans le cadre des efforts de sécurisation de la zone par le gouvernement. C’est sur la base de ces éléments que le gouvernement a décliné cette offre en demandant qu’il y ait plus de discussions sur la question.

Dans ce cadre, nous avons été approchés par nos frères tchadiens. Nous avons à l’esprit le sacrifice des soldats tchadiens pour le Mali et de leur engagement à nos côtés. Ils ont expliqué les difficultés qu’ils auront avec le départ de la force Barkhane de la zone d’Aguelhoc, qu’ils auront besoin de renforcer leurs unités en nombre et en équipements pour pouvoir faire face au vide sécuritaire éventuel qui peut être créé. C’est dans cet état d’esprit que le gouvernement du Mali a accepté que 1.000 soldats supplémentaires tchadiens puissent être déployés dans le cadre des Nations unies.

Il s’agit d’un accord bilatéral entre le Tchad et le Mali et qui a été notifié aux Nations unies pour qu’elles puissent trouver les modalités nécessaires pour l’intégrer dans le cadre de la Minusma. Chaque fois que nous avons été convaincus, nous avons accepté. Mais nous pensons qu’il n’appartient pas à des pays tiers de venir faire ce type d’offre.

L’Essor : Le G5 Sahel est toujours en butte à des difficultés financières et logistiques. Il était question de l’inscrire sous le Chapitre VII de la Charte de l’ONU pour lui donner des ressources pérennes. Y a-t-il une évolution positive sur ce dossier ?

Abdoulaye Diop : Depuis le début, nos chefs d’État ont régulièrement insisté pour que la Force du G5 Sahel soit placée sous le Chapitre VII de la Charte des Nations unies et qu’elle puisse bénéficier d’un financement prévisible et pérenne. Cette demande est fondée sur des considérations plus politiques d’abord à savoir pourquoi on est arrivé à cette présence terroriste dans le Nord du Mali.

C’est lié d’abord à l’intervention occidentale en Libye qui a fondamentalement changé la donne et qui a poussé vers un afflux de combattants et de groupes terroristes vers cette région devenue aujourd’hui une menace à la paix et à la sécurité, à la communauté internationale. Et pour laquelle le Conseil de sécurité qui a autorisé cette intervention en Libye a une responsabilité particulière. Nos pays doivent investir pour lutter contre le terrorisme mais les moyens qui sont exigés vont au-delà de leurs capacités. Puisqu’il y a cette responsabilité internationale, le Conseil de sécurité a le devoir de mettre en place des ressources nécessaires.

Quand on essaye de comparer les opérations qu’ils ont en Syrie, en Irak ou dans d’autres contrées, ce que le G5 Sahel demande est souvent consommé en une journée dans les opérations dans ces pays. Nous considérons qu’il y a une lecture à géométrie variable de la communauté internationale en fonction de l’importance stratégique qu’elle accorde à telle ou telle zone. Mais nous continuons à demander à ce que la Force du G5 Sahel puisse être placée sous le Chapitre VII avec des moyens conséquents pour lui permettre de mieux faire son travail.

“Nous considérons qu’il y a une lecture à géométrie variable de la communauté internationale en fonction de l’importance stratégique qu’elle accorde à telle ou telle zone”

L’Essor : Beaucoup de Maliens pensent qu’il serait bon que la Force conjointe du G5 Sahel se substitue à la Minusma pour qu’il y ait plus de résultats sur le terrain. Qu’en pensez-vous ?

Abdoulaye Diop : Ce sont deux forces différentes. C’est vrai qu’on peut réfléchir sur cette question. Mais ce qui est important pour l’instant, c’est de coordonner les choses, de mieux définir la mission que nous voulons donner aux Nations unies. Si c’est une mission de stabilisation, il s’agira d’en définir les contours.

Maintenant si le segment antiterroriste ne peut pas être pris en charge dans le cadre de la Mission, dans ce cas qu’on le donne à une force africaine. Ça peut être le G5 Sahel ou une autre force africaine qui reçoit les financements nécessaires pour faire le travail.

De toutes les façons, que ce soit Barkhane, Minusma ou G5 Sahel, toutes ces forces en présence ont besoin d’être coordonnées pour plus d’efficacité parce qu’à peu près huit ans de présence, on se rend compte que les Maliens sont toujours exaspérés par le manque de résultats dans le domaine de la sécurité. Il faut que les choses évoluent. Nous ne pouvons pas continuer avec la même méthode.

L’Essor : À l’issue de son dernier sommet, la Cedeao a continué à brandir la menace des sanctions contre notre pays, tout en réclamant la tenue des élections en février 2022. Que pouvez-vous dire de cette incompréhension entre le Mali et l’organisation ouest-africaine ?

Abdoulaye Diop : C’est vrai que les questions que nous avons avec la Cedeao sont difficiles. Mais je crois que de plus en plus nous avançons pour trouver une solution à ces questions. Il faut rappeler que la Cedeao a été fondée à Bamako en 1975.

Donc aucun pays, aucune institution ne peut prétendre qu’elle est plus proche de la Cedeao que le Mali. La Cedeao a été créée à Bamako dans la poursuite de l’engagement panafricain du Mali depuis le président Modibo Keita. Les différentes Constitutions du Mali ont intégré des dispositions de façon nette que notre pays est prêt à céder tout ou une partie de sa souveraineté pour la réalisation de l’unité africaine.

Nous sommes dans l’Union africaine, dans la Cedeao en restant fidèles à cet idéal. Aussi par réalisme parce que le Mali est un pays enclavé qui ne peut pas vivre seul. Le Mali a besoin de ses voisins. Le Mali a besoin de ses amis. Nous avons des Maliens établis dans tous ces pays. Ce cadre qu’est la Cedeao favorise aussi la libre circulation de nos ressortissants, le commerce, l’accès aux différents ports.

Le Mali a librement souscrit à la Cedeao y compris aux textes relatifs à la gouvernance. Les évènements qui se sont passés le 18 août 2020 et le 24 mai 2021 sont des accidents de l’histoire dont nous cherchons à nous relever.

Mais ce sont des questions qui sont très complexes. Ces évènements sont intervenus au moment où le Mali était déjà plongé dans une crise multidimensionnelle. Nous avons une volonté de nous en sortir. Ce que nous cherchons, c’est que nos partenaires puissent comprendre la complexifié de la question.

Qu’ils comprennent que ce qu’il y a au Mali, ce n’est pas seulement d’organiser les élections pour installer un nouveau pouvoir. Pour arriver à l’organisation de ces élections, il faut avoir une approche psychologique de la question du Mali. Il y a une crise politique, une crise sécuritaire, une crise économique.

Donc, il faut voir l’ensemble de ces questions et les problèmes de gouvernance qui se sont posés pour apporter une réponse globale dont les élections font partie et qui sont essentielles pour tout processus démocratique.

Il faut que nos frères de la Cedeao comprennent que ce ne sont pas juste des questions de délais. Même si les délais ont été donnés, il y a eu des évènements imprévus qui n’ont pas permis de respecter ces délais. Nous souhaitons que la Cedeao puisse comprendre que ce ne sont ni les délais incompressibles ni des sanctions qui nous permettent aujourd’hui de sortir de cette situation. Mais plutôt que la Cedeao dialogue avec les Maliens ; qu’elle soit à l’écoute des Maliens et qu’elle les accompagne.

“Ce que nous cherchons, c’est que nos partenaires puissent comprendre la complexifié de la question. Qu’ils comprennent que ce qu’il y a au Mali, ce n’est pas seulement d’organiser les élections pour installer un nouveau pouvoir”

Nous sommes aussi dans cette posture. Nous pensons du fait que la Cedeao ait différé lors de son dernier sommet des restrictions plus drastiques ou des sanctions qui auraient pu affecter nos populations, c’est un pas dans la bonne direction. Qu’ils nous laissent le temps de pouvoir aller aux Assises nationales de la refondation, de discuter entre Maliens pour qu’il y ait un consensus nécessaire parce que le pays a besoin d’unité, de rassemblement et d’une vision partagée.

Il s’agit qu’à l’issue des Assises nationales, nous puissions avoir une meilleure compréhension des réformes prioritaires à mener mais aussi un chronogramme et une nouvelle feuille de route de la Transition. Nous espérons pourvoir revenir rapidement à la Cedeao au sortir de ces Assises pour pouvoir présenter une feuille de route qui nous permettra d’arriver à un compromis pour sortir de ce que vous appelez : incompréhension.

L’Essor : S’il faut attendre la fin des Assises pour présenter un chronogramme des élections à la Cedeao, est-ce à dire que le gouvernement ne pourra pas respecter le délai de 31 décembre fixé par l’organisation sous régionale ?

Abdoulaye Diop : Nous allons présenter un calendrier à la Cedeao au sortir des Assises nationales de la refondation. Nous travaillons pour pouvoir donner satisfaction dans les indications qui ont été données par la Cedeao. Le président de la Transition s’est engagé pour qu’en janvier, un chronogramme puisse être soumis à la Cedeao et nous travaillons dans cette direction.

L’Essor : Le Mali est-il aujourd’hui un pays isolé sur la scène internationale ? Quel travail diplomatique êtes-vous en train de faire pour que le pays puisse continuer à bénéficier de l’appui nécessaire de la communauté internationale ?

Abdoulaye Diop : Isoler c’est trop dire. En septembre, j’ai été à l’Assemblée générale des Nations unies. Le Premier ministre y était aussi là-bas pour délivrer un message au nom du Mali. Notre pays participe également à d’autres fora. Il est vrai que le fait d’être sous le coup de suspension de la Cedeao et de l’Union africaine a créé des contraintes particulières par rapport à notre action diplomatique mais nous ne sommes pas restés les bras croisés. Nous continuons à avoir des engagements avec tous les pays. Je me suis déplacé en Russie et dans d’autres pays.

Nous avons également nos représentations diplomatiques dans plusieurs pays. J’ai eu deux visioconférences avec nos représentants afin qu’ils fassent preuve de pro-activité et de dynamisme pour porter la voix du Mali. Nous rencontrons aussi régulièrement les diplomates qui sont ici.

Il y a également les hauts dignitaires qui continuent à fréquenter notre pays. Nous travaillons à maintenir le flambeau du Mali sur la scène internationale. Ce pour lequel nous nous battons, c’est le respect de la souveraineté et de la dignité de notre pays. Il y a des contraintes liées à ça. Mais nous pensons que ces contraintes sont passagères et que très rapidement notre pays pourra réoccuper sa place sur la scène africaine et internationale sur la base de ses propres valeurs, de ses priorités et de l’image que nous faisons de nous-mêmes.

L’Essor : Quelle lecture faites-vous de l’engagement des États-Unis d’Amérique dans le Sahel ?
Abdoulaye Diop : 
Je rappelle que j’ai servi comme ambassadeur du Mali auprès des États-Unis, un pays ami, un pays que je connais bien et dont je mesure la capacité. Nous voulons sentir plus de présence des États-Unis dans le Sahel. Nous voulons surtout que ce pays puisse avoir sa propre lecture de ce qui se passe au Mali et au Sahel.

Or, nous avons le sentiment que récemment les États-Unis se sont un peu mis en arrière-plan pour laisser d’autres acteurs prendre les devants. Même leur lecture de la situation au Mali est essentiellement fonction de la lecture d’autres personnes. Nous voulons que l’Amérique soit présente par elle-même.

Qu’elle puisse avoir la lecture de la situation par elle-même parce que c’est une grande puissance qui a les moyens de comprendre les problèmes par elle-même et qui bénéficie aussi d’un élan de sympathie auprès des populations africaines. La menace à laquelle nous faisons face est globale. Il faut que les États-Unis soient davantage présents au Sahel, qu’ils soient partie prenante de la solution.

Propos recueillis par
Madiba KEITA

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