À la Une: un premier tour contaminé…
Un homme portant des gants en latex tient sa carte électorale avant de voter dans un bureau de vote lors du premier tour des élections municipales à Paris, alors que la France est aux prises avec une épidémie de coronavirus, le 15 mars 2020. REUTERS/Gonzalo Fuentes
Par :RFI
Frédéric Couteau
Taux d’abstention record hier pour le premier tour des élections municipales : 56% des électeurs sont restés chez eux. Fallait-il aller voter ? Comme le préconisait le gouvernement. Ou bien fallait-il rester à la maison ? Comme il était aussi conseillé. Une ambiguïté dénoncée ce matin par de nombreux journaux.
« Fallait-il vraiment organiser ces élections en pleine épidémie de coronavirus ?, s’interroge ainsi La Voix du Nord. On se posera longtemps la question. » En tout cas, « ce premier tour a eu lieu, il faut faire avec, le temps n’est plus aux polémiques, estime le journal, laissons les spécialistes du droit constitutionnel se déchirer dans d’interminables débats sur une situation qu’aucun d’entre eux n’aurait jamais imaginée. Les électeurs ont, eux, donné leur avis de façon très claire, pointe le quotidien nordiste : le taux d’abstention record (56 %) dit combien ils votent désormais pour la « distanciation sociale » la plus ferme plutôt que pour un devoir civique dont ils pensent qu’il pouvait attendre. Entre l’isoloir et l’isolement, ils ont choisi et anticipé le confinement total, convaincus qu’il n’est plus qu’une affaire de jours. »
Justement, « est-ce un premier tour pour rien ?, s’interroge Le Midi Libre. Le confinement général, en préparation dit-on pour le milieu de la semaine, privera-t-il les électeurs d’un scrutin complet et d’un second tour dimanche prochain ? La question a agité les leaders politiques toute la soirée d’hier, balançant entre escroquerie et déni de démocratie. Entre entourloupe élyséenne et irresponsabilité. Les uns se cachant derrière les attendus de la communauté médicale, les autres derrière les postures contradictoires, l’occasion étant trop belle pour piéger une équipe gouvernementale il est vrai bien empêtrée dans cette élection sans queue ni tête. »
Pas de second tour ?
« Ça suffit !, renchérit Le Courrier Picard. L’annonce du passage au stade 3 de l’épidémie et les mesures coercitives qui l’accompagnent ont brouillé ce premier tour de scrutin. Au point de s’interroger sur la pertinence du maintien du second, tant tout cela n’a plus aucun sens. Envoyer les électeurs aux urnes après les avoir invités, la veille, à la plus grande prudence en limitant leurs déplacements et les regroupements, était déjà une incongruité absolue. Les renvoyer au casse-pipe dimanche prochain relèverait d’une totale inconscience. L’exécutif le sait bien ; le sent bien. Pourquoi, s’interroge Le Courrier Picard, avoir maintenu le premier tour de scrutin alors que l’évolution de la pandémie ne faisait aucun doute ? Mystère ! Calcul politique ? Allez savoir ! »
La République des Pyrénées croit avoir la réponse : « jeudi dernier Emmanuel Macron aurait été un dictateur s’il avait annoncé le report du premier tour des municipales. Depuis hier, il ferait figure d’irresponsable s’il ne suivait pas les conseils impérieux des oppositions unanimes encore une fois (mais dans l’autre sens) de reporter le second tour. »
Les Français inconscients ?
Alors, « la semaine qui s’ouvre devant nous ressemble à un grand saut dans l’inconnu, pointe Le Parisien. (…) Les Français se réveillent ce matin avec la tête pleine de questions. Y aura-t-il un deuxième tour ? Le gouvernement va-t-il décider la mise en place d’un confinement général dans les prochaines heures ? Et surtout, quelle ampleur l’épidémie va-t-elle désormais prendre ? »
En tout cas, les Français doivent se discipliner… En effet, remarque Libération, « malgré les mesures draconiennes prises samedi – fermeture des commerces, confinement partiel -, un nombre étonnant de Français, plutôt que d’entrer en hibernation précautionneuse, ont décidé hier de profiter des premiers signes du printemps qui vient. Marchés bondés, parcs encombrés, rives des fleuves ou des canaux envahies d’une foule insouciante : voilà qui incite le gouvernement à resserrer encore son dispositif. »
Et Libération de s’interroger : « prendra-t-il une mesure générale d’assignation à domicile, assortie de contrôles étroits ? Ce serait dans la logique de la situation. Mesure lourde qui sanctionnerait une insoutenable légèreté de l’être indiscipliné. »