Enquête à Koulikoro : l’exploitation silencieuse des enfants dans le secteur du sable et gravier.
Par Meguetan Infos

Dans les entrailles de l’économie locale de Koulikoro, le secteur de l’exploitation du sable et du gravier tient une place centrale. Cette activité, longtemps marginale, a pris une ampleur sans précédent suite à la fermeture de l’HUICOMA. De nombreux anciens employés, frappés par le licenciement, y ont trouvé un refuge économique. Mais derrière cette reconversion forcée se cache une réalité plus sombre : l’implication massive et inquiétante des enfants dans ce secteur.
Des enfants plongés dans un travail harassant et dangereux
Selon une enquête menée par Meguetan Infos, plus de 300 enfants sont aujourd’hui engagés dans l’exploitation du sable et du gravier sur le lit du fleuve Niger à Koulikoro. Âgés de 12 à 16 ans, ces enfants travaillent dans des conditions extrêmes, souvent au péril de leur vie.
Ils sont employés, pour la plupart, par des femmes autonomes qui leur offrent le gîte et le couvert en échange d’un travail quotidien sans répit. Derrière cette apparente bienveillance, se cache une exploitation sans merci. Les enfants travaillent entre 10 et 12 heures par jour, parfois plus, sous un soleil de plomb, au bord du fleuve ou directement dans l’eau, pour extraire, charger et transporter le sable.
Une migration facilitée par des complicités locales
La majorité de ces enfants arrivent à Koulikoro par le biais de connaissances ou de proches vivant sur place. Ces derniers leur promettent une vie meilleure, souvent avec l’accord tacite de leurs parents, parfois désespérés. Une fois sur place, ils sont intégrés dans un circuit de travail informel qui les éloigne presque systématiquement de l’école. Selon nos données, plus de 50 % de ces enfants sont déscolarisés à cause de cette activité.
Risques élevés, salaires dérisoires
Les tâches confiées aux enfants incluent le déchargement de pirogues, la conduite de charrettes, et même la plongée sous-marine pour le chargement des embarcations. Des activités physiquement épuisantes, inadaptées à leur âge, et extrêmement dangereuses. Les accidents, notamment les risques de noyade, sont fréquents dans cette zone d’exploitation où les enfants constituent une main-d’œuvre essentielle mais vulnérable.
Malgré leurs efforts, la rémunération reste misérable : entre 15 000 et 25 000 F CFA par mois, quand elle est versée. Dans bien des cas, les salaires sont différés, accumulés, voire confisqués par les employeurs. Certains enfants repartent même sans avoir perçu un seul franc pour des mois de travail.
À titre de comparaison, un camion de sable à dix roues peut être vendu entre 60 000 et 100 000 F CFA, selon la période. Le contraste entre la valeur générée et la part infime versée aux enfants illustre l’exploitation économique brutale à laquelle ils sont soumis.
Une alerte pour les autorités compétentes
Face à cette situation alarmante, il est impératif que les autorités en charge de la protection de l’enfance et de la lutte contre le travail des mineurs interviennent urgemment. Une enquête approfondie doit être ouverte, des responsabilités établies, et des sanctions prises.
Il est aussi urgent de réintégrer les enfants déscolarisés dans le système éducatif et d’orienter les non scolarisés vers des filières d’apprentissage professionnelles qui leur offriront des perspectives d’avenir plus sûres et dignes.
Le fleuve Niger, source de vie, ne doit pas être le tombeau silencieux des espoirs de toute une jeunesse sacrifiée.