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HISTOIRE:BABEMBA TRAORE DE SIKASSO.

Babemba TRAORE

Cette partie de son histoire est racontée par Le Lieutenant Abbat du 89è RI de ligne

Babemba Traoré est un roi du Kénédougou, né en 1855 et mort à Sikasso en 1898.
Il est le fils de Mansa Daoula Traoré qui règne de 1845 à 1860 et frère de Tiéba Traoré qui règne de 1866 à 1893 auquel il succède. Il mène une résistance féroce aux troupes coloniales françaises qui s’achève avec la chute de Sikasso le 1er mai 1898. Il décide alors de se suicider, préférant la mort à la honte. Ce geste et la résistance qu’il oppose à l’armée coloniale font de lui un personnage emblématique de l’histoire du Mali.

Babemba, le Fama de Sikasso, qu’a réduit au mois de mai dernier le Colonel Audéaud était le frère et le successeur de Tiéba, Fama du Kenedougou. Pendant longtemps nous crûmes avoir en Babemba un allié ou tout au moins un neutre, comme l’avait été si longtemps son prédécesseur. Nos relations avec le Kenedougou remontent à 1890. Nous savions que le Fama de Sikasso et Samory étaient depuis de longues années en lutte ouverte. « J’ai, disait Samory à Binger en 1888, j’ai dit en partant de Bissandougou, que je rapporterais la tête de Tiéba, et il me la faut. Je resterai ici encore deux trois ans s’il le faut (devant Sikasso) mais je veux sa tête. ». Comme nous étions nous-mêmes en lutte avec l’ Almamy du Ouassoulou, nous cherchâmes à utiliser l’antagonisme de l’un pour faire de ces états une sorte de tampon entre les territoires occupés par Samory et nos nouvelles conquêtes du Moyen-Niger.

C’est dans ce but qu’en 1890, le Commandant Quiquandon fut envoyé auprès de Tiéba et réussit à le gagner à notre cause.

Déjà, du reste, Messieurs Crozal et Monteil étaient entrés en relations avec Tiéba et avaient été bien accueillis par lui. Aussi l’arrivée du Commandant Quiquandon à Sikasso fut-elle le signal de transports d’allégresse.

Tiéba signa tout ce qu’on voulu, à condition que nous lui fournissions des armes et des munitions, pour permettre à ses sofas de lutter à armes égales contre les troupes de Samory.

En échange, le Kenedougou était placé sous le protectorat de la France et payait à cette dernière un tribut annuel de 100 bœufs.

Les clauses de ce traité furent scrupuleusement observées par Tiéba, mais son successeur Babemba cédant aux insinuations de son entourage gagné à la cause de Samory, essaya de secouer ce joug si léger. Des complications surgirent et il fallu renvoyer au Kenedougou le Commandant Quiquandon qui, grâce à l’autorité considérable qu’il avait su s’acquérir dans le pays, grâce aussi à la fermeté qu’il montra, réussit à ramener sans conflit Babemba dans le devoir.

Mais l’officier français parti, le Fama de Sikasso s’agita de nouveau. Il avait eu soin au préalable d’arguer de sa faiblesse vis à vis de Samory pour se faire livrer une centaine de fusils 1874 et de nombreuses caisses de cartouches. Personnellement, je me souviens avoir reçu au mois de novembre 1894 à Ségou l’ordre de remettre aux envoyés du Fama de Sikasso 25 fusils gras et 25 000 cartouches. Nous trouvions bien quelque peu exagéré cette quantité de munitions confiées à un chef noir auprès de qui personne ne se trouvait pour contrôler ses actes, mais malgré les observations du chef de bataillon commandant la région de Ségou, Monsieur Grodet, alors Gouverneur du Soudan, maintint l’ordre de distribution. La faute n’allait pas tarder à porter ses fruits et quatre ans plus tard, deux officiers français succombaient sous les balles sorties des magasins de Ségou.

Dès que Babemba, par suite du peu de clairvoyance de Monsieur Grodet, eût obtenu ce qu’il désirait, il rompit peu à peu ses relations avec nous. L’impôt annuel ne fut plus payé, qu’en partie d’abord, plus du tout ensuite. Quelques uns de nos villages frontières furent pillés par ses sofas et l’on apprit bientôt que Samory tirait du Kenedougou la plus grande partie de la cavalerie.

Nous étions alors au commencement de 1897. La boucle du Niger venait à peine d’être occupée et la colonne de la Volta, destinée à opérer vers Kong, était en formation à Ségou.

Pour ramener Babemba à de meilleurs sentiments, on fit passer à travers ses états la compagnie Branlot qui allait ainsi flanquer la colonne en formation et devait rejoindre cette dernière vers Bobo Dioulasso.

Effrayé par les préparatifs militaires que nécessitait à Ségou la marche prochaine dans la Volta, Babemba nous assura de ses bonnes dispositions et, tout en n’osant promettre un concours éventuel de ses troupes contre Samory, il se montra entièrement soumis. L’accueil qu’il fit à Branlot fut, selon l’expression du Général de Trentinian, celui d’un captif pour son maître. Il est vrai que Branlot avait avec lui 250 tirailleurs avec lesquels il eût fallu compter le cas échéant.

Mais les bonnes dispositions du Fama s’évanouirent avec le départ des chéchias rouges. On apprit bientôt que violant sa parole, Babemba avait pillé des villages français et fait plus grave, gagné par Samory, il avait de nouveaux chevaux dans le Kenedougou. En même temps des officiers de cercle de Bougouni, en reconnaissance topographique, étaient attaqués par les sofas de Babemba.

Une nouvelle mission lui fut envoyée pour lui porter une sorte d’ultimatum. Le Capitaine Morisson, accompagné d’une faible escorte de 17 tirailleurs, devait exiger de Babemba qu’il donnât à Sikasso et la promesse de payer à nouveau et régulièrement le tribut annuel de cent bœufs consenti par Tiéba.

Cette fois, l’accueil fait à l’officier français fut franchement hostile. Après quelques jours d’attente, Morisson reçut brusquement l’ordre de quitter Sikasso. En route, la mission tombait dans une embuscade habilement préparée et 1200 sofas la dépouillaient de ses bagages, de ses uniformes, de ses armes et de ses munitions. Le même soir, elle n’échappait que par miracle et grâce à une marche forcée de 90 kilomètres à un deuxième guet-apens, où elle devait être entièrement massacrée.

Dans ces conditions, le maintien de notre autorité et de notre prestige au Soudan exigeait une prompte et sévère répression. Le Colonel Audéaud forma immédiatement une colonne de 1500 hommes avec 8 canons et marcha sur Sikasso. On croyait obtenir, grâce à ce déploiement de force, la soumission immédiate du Fama. Mais dès son entrée dans le Kenedougou, la colonne se heurta à une résistance des plus sérieuses puisqu’il ne fallut pas livrer moins de 14 combats pendant les 14 jours qui précédèrent l’arrivée sous Sikasso.

La lutte ne se termina pas là. Babemba jouait son va-tout, et ayant juré de vaincre ou de mourir, enflammait ses sofas par son exemple. Il fallut faire le siège en règle de la place, ville immense de 9 kilomètres de tour, défendue par deux murs d’enceinte concentriques ayant 5 mètres de hauteur sur 6 mètres d’épaisseur à la base.

Pendant toute la deuxième quinzaine d’avril 1898 la batterie de siège tonna conte Sikasso. Enfin, le 1er mai, les brèches étant suffisantes, trois colonnes d’assaut entrèrent dans la ville à l’intérieur de laquelle se livra un combat de rues des plus meurtriers, puisqu’il coûtait 41 tués dont un officier et 102 blessés dont deux officiers. Cinq jours auparavant nous avions déjà eu à déplorer la mort d’un officier, le Lieutenant Jallet, frappé au front d’une balle 86.

Babemba entouré de sa garde s’était fait tuer dans son tata particulier.

La chute de Sikasso eut un retentissement considérable et ne contribua pas peu à faciliter notre action contre Samory qui devait lui aussi succomber quelques mois plus tard. Avec Sikasso disparut le chef puissant et hostile dont la complicité avec Samory pouvait nous créer de graves dangers.

A l’heure actuelle, le Kenedougou devenu cercle de Sikasso est en train de devenir l’une des plus florissantes provinces du Soudan Français.

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