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Grand invité de l’Économie RFI/Jeune Afrique – Kako Nubukpo : « le CFA nous maintient dans une logique de rente »

L’ancien ministre togolais de la Prospective et ancien directeur de la Francophonie économique et numérique au sein de l’OIF Kako Nubukpo est le Grand Invité de l’économie RFI-Jeune Afrique, samedi 2 mars 2019 sur RFI, à 12 h 10 heure de Paris, 10 h 10 TU.

Économiste hétérodoxe, l’ex-ministre togolais de la Prospective et de l’évaluation des politiques publiques, Kako Nubukpo, a abruptement été congédié fin 2017 de ses fonctions de responsable de la francophonie économique au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie après avoir pris des positions critiques sur le franc CFA.

Loin de renoncer à ce combat, il a participé début février avec d’autres économistes comme l’Ivoirien Mamadou Koulibaly, le Sénégalais Demba Moussa Dembélé et le camerounais Martial Zé Belinga à des États généraux du franc CFA pour dénoncer l’état de servitude volontaire vis-à-vis de la France dans lequel se placent les États qui continuent à utiliser cette monnaie et proposer des alternatives. Il est le grand invité de l’émission Éco d’ici Éco d’ailleurs RFI-Jeune Afrique diffusée ce 2 mars à 12 h 10, heure de Paris. Extraits.

  • Franc CFA

On ne peut pas dire que c’est faux débat. C’est un vieux débat sur le fond entre ceux qui pensent que la monnaie est neutre et ceux qui pensent qu’elle ne l’est pas. C’est un débat que l’on a eu depuis le 17e siècle. (…) Comme le CFA est une monnaie forte, cela incite à importer plutôt qu’à transformer. Ce qui est pervers c’est qu’elle nous maintient dans une logique de rente.

Dans les prises de position d’Alassane Ouattara (sur le franc CFA), on sent une prise de position plus affective qu’ivoirienne tant cette monnaie épouse sa carrière. (…) Nos chefs d’État sont schizophrènes. Ils nous expliquent que le CFA est une bonne monnaie, solide, parée de toutes les vertus et en même temps, ils veulent faire autre chose, une monnaie (unique pour la) Cedeao. On se demande bien pourquoi.

  • Lutte contre l’inflation vs création d’emplois

Les gens confondent une faible inflation et la déflation. Le dernier rapport de la Banque de France sur la zone franc le dit explicitement : avec un taux d’inflation de 0,6 %, on est plutôt dans la déflation : les gens sont pauvres, ils ne consomment pas. Donc les prix baissent, les marges sont très faibles, les entreprises ne recrutent pas et il y a du chômage.

On conjugue pauvreté énorme et stabilité des prix, car la contrepartie de cette monnaie forte [le franc CFA], rattachée à l’euro, c’est la répression financière. Vous ne pouvez pas avoir accès au crédit à moins de 12, 13, 14, ou même 15 % d’intérêts. Pour des économies qui croissent à 5 %, vous ne pouvez pas faire de transformation structurelle, vous ne pouvez pas créer des industries et des emplois. Pour une population qui double tous les vingt-cinq ans, comme celle de la zone franc, l’impératif, ce sont les emplois.

  • Franc-tireur

Je suis quelqu’un de bonne foi, je veux participer au développement de mon pays et de mon continent. Chaque fois que mes convictions étaient en porte-à-faux avec les ambitions des institutions dans lesquelles je travaillais, j’ai préféré partir. Ma génération ne peut pas simplement pantoufler, remplacer celle des anciens colonisateurs et dire que cette population qui souffre, qui n’a pas accès au minimum vital…

Par rapport à ces populations, nos carrières individuelles ne devraient pas compter. Mon engagement, c’est l’idée de l’intérêt général. Comme tout humain, j’ai mes contradictions, mes défauts, mais je cherche dans l’obscurité, dans une relative opacité comme disait Frantz Fanon, ma mission en essayant de ne pas la trahir.

  • Zone de libre-échange

C’est encore une fois des Africains qui célèbrent des promesses plutôt que des réalisations. Cela ne veut rien dire, une Zone de libre échange continentale (Zlec). Pour faire quoi ? Quels sont les éléments de transferts ? Il y a ceux qui vont perdre et ceux qui vont gagner.

L’intégration, c’est d’abord une vision, Quelle est-elle ? Aujourd’hui, nous avons des instruments sans légitimité et une légitimité sans instrument. Les États n’ont plus les moyens, et ceux, au niveau supranational, ont des moyens ne portent pas de vision. Je crois plus à la vérité du terrain. Les puissances publiques devraient aider les jeunes à faire des innovations frugales et  devraient aider à augmenter la taille, à faire le passsage à l’échelle.

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