Alors que les Maliens s’apprêtent à célébrer les 32 ans de la démocratie malienne, une question revient en boucle : quel avenir pour la jeune démocratie malienne qui traverse des moments sombres ? Dr. Mohamed Amara, sociologue et analyste politique, tente de répondre à la question.
En espace de 30 ans d’exercice démocratique, le Mali traverse un tsunami sociopolitique sans précédent. Ce tsunami politique émerge de l’inefficacité du système de gouvernance de la plupart des régimes. Une inefficacité qui s’explique par la corruption et l’impunité, symboles de la mauvaise gestion. Depuis 2012, les contestations populaires serpentent les régimes démocratiques et se terminent par des putschs militaires : ATT en 2012, IBK en 2020.
Alors que les Maliens s’apprêtent à célébrer les 32 ans de la démocratie malienne, une question revient en boucle dans l’esprit : quel avenir pour la jeune démocratie malienne qui traverse des moments sombres ?
Pour Dr. Mohamed Amara, sociologue non moins analyste politique, pour que notre démocratie sorte de cette situation d’entre deux mondes, il faut affirmer une des valeurs fondamentales de la démocratie qui est “l’égalité “.
“La démocratie ne se décrète pas, elle se construit. Pour que le système démocratique marche, il faut qu’on arrive à créer les meilleures conditions de vie sociale et économique pour les populations aussi bien rurales qu’urbaines pour l’accès à la santé, à l’emploi, à la sécurité, à l’eau quelques soient notre lieu d’habitation et notre statut social. La vie de chaque Malien doit être protégée”, précise-t-il.
Notre analyste ajoute que tout ce que nous avons comme système démocratique est le fruit de la révolution des années 1990, des associations, des syndicats et des partis politiques pour dégager la dictature militaire de Moussa Traoré et réclamer plus de liberté d’expression.
“L’avenir de la démocratie dépend de notre ambition démocratique, c’est-à-dire notre capacité à la réinventer grâce à des projets socioéconomiques, culturels, de développement tout simplement pour le Mali dans les 30-50 ans à venir. Réinventer la démocratie, c’est aussi s’inspirer de nos modes de gouvernance traditionnels (résolution de conflits, conventions sociales, etc.) pour légitimer les actions publiques et les délibérations”, affirme Dr. Amara.
A l’en croire, il faut construire une forme de gouvernance où la jeunesse (homme-femme), les libertés individuelles, la sécurité, le mieux vivre ensemble et le bien-être sont au centre martelant que l’élection présidentielle reste l’un des indicateurs par excellence pour évaluer la santé d’une démocratie d’où la nécessité de tenir le scrutin présidentiel de février 2024. “Enfin, il faut bâtir des dispositifs démocratiques égalitaires pour mieux écouter, concerter, entendre et impliquer les citoyens dans les réformes. De cette façon-là, on érige une certaine culture démocratique ; de cette façon-là, on redonnera vie à notre démocratie. Une démocratie ouverte sur le monde”, conclut-t-il.
Ousmane Mahamane
MICRO-TROTTOIR
Les acteurs de l’avènement de la démocratie malienne sont-ils encore crédibles aux yeux des Maliens ?
Dr. Issa Maïga (chirurgien)
“Ces gens-là n’ont aucune crédibilité. Par respect pour les Maliens, c’est eux-mêmes qui doivent se retirer de toute la scène politique, de la gestion de l’Etat et laisser la nouvelle génération faire sa révolution, car les défis de l’heure les dépassent, les enjeux sont majeurs et la peur de tout perdre les empêche d’être décisifs”.
Ousmane Ambana (enseignant)
“La crédibilité des acteurs qui ont conduit le Mali à la démocratie est remise en cause. La plupart de ces acteurs ont montré aux Maliens que la démocratie est un régime permettant de faire toutes choses. Beaucoup d’entre eux se sont donnés à la malversation, à la corruption, au népotisme et à la démission aux missions régaliennes. Quand on fait une rétrospective, on se rend compte qu’avec la démocratie, ou disons avec les acteurs de l’avènement de la démocratie, il y a eu un relâchement. Ils ont donné une nouvelle image, une nouvelle couleur à la démocratie. Hélas ! Ce sont de mauvaises images et couleurs. A cause d’eux, rares sont des acteurs politiques qui sont aujourd’hui écoutés et respectés, on les qualifie de menteurs, trompeurs, corrompus, corrupteurs et des apatrides. Il faut avoir le courage de le dire, beaucoup d’acteurs des années 1990 ont échoué et les Maliens ne leur font plus confiance”.
Drissa Coulibaly (philosophe)
“Ce n’est plus les acteurs de 1991, mais c’est ensemble de la classe politique malienne de manière générale qui n’a plus de crédibilité aux yeux du peuple Malien. Cela se traduit par les 30 années de l’exercice démocratique au nom du peuple qui s’est soldé par la corruption ; le vandalisme et la gabegie. 30 ans après, c’est la désillusion les démocrates ont échoué. Aujourd’hui, tous ceux qui se réclament acteurs du Mouvement démocratique ont tous participé quasiment à tous les régimes qui se sont succédé depuis l’avènement de cette démocratie. Ces mêmes acteurs se sont retrouvés ennemi et ami selon les circonstances”.
Mahamadou Diarra (masterant en sciences politiques)
“Très concrètement, les acteurs de l’avènement de la démocratie malienne n’ont plus la confiance des Maliens. Ils ont échoué sur tous les plans. Et si vous voyez que le pays est dans cette situation, c’est ces acteurs qui ont orchestrés ce chaos-là. C’est une oligarchie que ces acteurs ont créée après la chute de Moussa Traoré et maintenant c’est les Maliens qui sont en train de payer les pots cassés”.
Sékouba Oumar Traoré (militant politique)
“Non, les acteurs de l’avènement de la démocratie malienne ne sont pas crédibles aux yeux des Maliens. Mais pas que des acteurs de la démocratie seulement, c’est tous les militants politiques, cela ne me réjouis pas, mais c’est la réalité. Il y a un dégoût généralisé du politique”.
Propos recueillis par
Ousmane Mahamane
Mali Tribune