Révélations sur les journalistes assassinés au Mali: Le nom de Boubeye Maiga cité
Cinq ans après l’assassinat au Mali des deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, la vérité se fraie un chemin à pas comptés. Selon un document signé des juges en décembre 2017, les investigations ont déjà permis de cibler six suspects : quatre membres du commando ayant enlevé et exécuté les deux Français en reportage à Kidal, et deux possibles commanditaires, dont Abdelkrim le Touareg, un émir lié à Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi), « neutralisé » depuis par la DGSE. Ainsi que 27 autres individus liés à la mouvance djihadiste éventuellement impliqués – dont le chef d’Ansar Dine, Iyad ag-Ghali, supérieur du « Touareg », aujourd’hui donné pour mort sans que cela soit confirmé.
Mais pour ces quelques certitudes, combien de mystères n’ont pas encore été dissipés ?
De nouveaux éléments dirigent l’enquête vers des terrains plus mouvants. Un journaliste d’investigation malien qui connaissait bien Ghislaine Dupont, entendu le 4 octobre dans le dossier français, relate qu’une de ses sources lui a récemment confié que « quelqu’un dans le commando était en relation avec un officiel malien ». Une piste étayée, dit-il, par un contact ultérieur avec un « ancien officier français ». Selon cet ex-militaire, une conversation téléphonique entre un membre du commando, Baye ag-Bakabo, « et l’ancien ministre de la Défense malien Soumeylou Boubèye Maïga » aurait été interceptée par les Américains.
Maïga n’est pas n’importe qui : c’est l’actuel Premier ministre du Mali. Il n’est pas un inconnu de la justice française : apparaissant au détour du dossier Tomi, une figure corse du jeu en Afrique, il avait subi une garde à vue. Ancien chef du renseignement, Soumeylou Boubèye Maïga a-t-il frayé avec des djihadistes ? Aurait-il couvert le fameux Bakabo, qui évoluerait désormais tranquillement entre le Mali et l’Algérie ? La question mérite réponse.
Hollande : « On a entendu une conversation après le drame »
Par ailleurs, l’association des amis des deux journalistes a relevé des propos de François Hollande dans le livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Un président ne devrait pas dire ça. Selon l’ancien président, « ceux qui ont tué les deux journalistes » de RFI auraient aussi « tué » un autre Français et détiendraient, « sans doute », disait-il, un homme d’affaires enlevé au Mali. Surtout, Christophe Boisbouvier, confrère et ami des deux journalistes, avait dévoilé – il y a déjà quatre ans – une confidence du même Hollande, recueillie le 7 décembre 2013 : « On a entendu une conversation après le drame dans laquelle ce qui ressemblait à un commanditaire reprochait à un membre du commando d’avoir détruit la marchandise. » Rappelons que les journalistes (la « marchandise » ?) avaient été retrouvés morts, à côté d’un pick-up abandonné, à une douzaine de kilomètres de Kidal.
L’État a-t-il collecté des informations qui n’ont pas été communiquées au dossier d’enquête?
L’Express peut révéler que l’association, via son avocate, Marie Dosé, a déposé mardi 6 novembre une demande d’audition, en tant que témoin, de l’ancien président français. Elle pointe aussi le lien possible entre l’affaire des otages du Niger, libérés le 29 octobre 2013, l’assassinat – quatre jours après ! – des journalistes de RFI, et un autre dossier de rapt au Mali.
Par Laurent Léger